Aise et Malaise (original) (raw)
Au cours de l'histoire, les hommes, dit-on, cessèrent d'habiter avec les dieux, oubliant les rites et les passes qui assuraient leur fréquentation. A leur tour les sages, moins nombreux que les dieux, cessèrent de se faire connaître et même -selon certains -d'exister. Sans guide ni passeur pour accéder aux lieux réservés de ce qu'on appelle aujourd'hui leur surhumanité, les hommes ont pu et su trouver des ersatz de dieux et de sages qui sont venus à leur rescousse. Oublieux de la magie merveilleuse des dieux, mais connaissant encore la distance qui les séparait des sages, ils se nommèrent "philosophes", ce qui signifiait alors, paraît-il, ceux "qui se plaisent avec la sagesse". On croit savoir que là où ils apparurent ils furent plus nombreux que les dieux et beaucoup plus nombreux que les sages. Ils conçurent toutes sortes d'artifices pour se plaire avec cette sagesse qui comportait ellemême à l'époque de multiples aspects. Tantôt elle était contemplation, tantôt maîtrise de la vérité, tantôt dialectique, tantôt recherche du bien-être... Parmi ces "philosophes", les uns croyaient que les dieux existaient, d'autres non, d'autres ne s'en occupaient pas du tout; les uns enseignaient en public, d'autres en secret, d'autres pas du tout; les uns participaient à l'organisation de la communauté, d'autres la raillaient, d'autres s'en désintéressaient; les uns s'occupaient de la santé des hommes, d'autres de la nature, d'autres des voyages de l'âme. Parmi eux, cependant, il y en eut quelques-uns pour prétendre que de toutes les sagesses une seule était vraie et bonne, un seul artifice existant pour la révéler. Ils crurent avoir trouvé ce qui était bon pour les hommes et ils les sommèrent de les suivre. Ce que les hommes font depuis lors, se laissant conduire de bon coeur par ces philosophes. Mais, parce que les anciens chemins, nombreux et larges, avaient été rétrécis au point de n'être plus qu'un sentier petit et étroit, certains se donnèrent beaucoup de peine pour l'emprunter et quelques-uns n'y parvinrent même pas. Les causes de ce désastre semblent très obscures et mystérieuses. Certains assurent encore de nos jours que ce fut un tour joué aux hommes par les dieux. Ils en auraient choisi un, particulièrement megalophronos, nommé Parménide, pour recevoir, d'une belle déesse qui le tenait par la main, l'enseignement qui éloigna les hommes définitivement des dieux.