Economie et patrimonialisation. Les appropriations de l'immatériel (original) (raw)

Les savoirs techniques et relationnels, considérés dans un sens large, constituent la substance même des patrimoines. Dans une époque profondément marquée par le commerce des valeurs sociales et par la privatisation des connaissances et du vivant, les biens patrimoniaux et, plus précisément, les processus de patrimonialisation qui permettent d'en aborder l'étude, sont des objets que l'économie ne peut plus ignorer. La marchandisation est présentée ici comme une modalité particulière de patrimonialisation : elle porte sur des ressources collectives complexes qui ont vocation à être mobilisées pour produire la société et construire son rapport à la nature et qui, par là, « font patrimoine ». Mais en les dissociant des trames cognitives qui leur donnent sens, elle les dénature, détourne les fonctions qu'elles assument et altère les modalités de leur appropriation collective. Nous verrons que l'appropriation ouvre un champ problématique qui échappe largement à une discipline encore trop étroitement structurée par le dogme de la rationalité individuelle. Nous montrerons ainsi que l'appropriation collective repose sur un double principe, d'exclusion et de distribution inégale des capacités individuelles d'usage et de gestion des ressources communes, que l'économie n'est, pour le moment, pas en mesure d'intégrer. Notre argumentaire sera illustré par une réflexion sur les dynamiques qu'alimente la recomposition des modalités d'appropriation des terres d'usage collectif. Il trouvera un prolongement dans les questionnements qu'ouvre la marchandisation des réputations, des représentations et des valeurs dans les démarches de qualification de l'origine.