Violence des tranchées dans les discours commémoratifs de la Grande Guerre (original) (raw)
Abstract
Cette communication interroge l’activité commémorative de la Grande Guerre en mettant l’accent sur les représentations de la mort violente sur le champ de bataille. Elle est pour l’essentiel fondée sur un corpus documentaire d’environ 50 monographies, publiées au cours de la guerre, portant sur les hommages civiques et religieux organisés par la société civile. Elle s’articule autour de deux grands thèmes : - En quoi le discours sur la violence des tranchées est-il révélateur des schémas de pensée de la société en guerre ? - Comment la commémoration a-t-elle tenté, à différents moments durant les quatre années du conflit, de conceptualiser le deuil collectif et d’abriter les sentiments contradictoires que suscitaient la mort de masse et les impératifs de la poursuite de la guerre jusqu’à la victoire finale ? L’objectif consiste à discuter la construction et l’évolution du discours commémoratif entre 1914 et 1918. Ainsi, nous montrerons que la commémoration met successivement à l’honneur trois différents types de héros. Chacun coïncide avec une phase différente du conflit: le premier avec l’entrée de la société française dans la guerre, le deuxième avec la période de son installation dans une longue guerre d’usure, le dernier est enfin issu de la crise de la fin de la guerre. A chaque stade, la commémoration se fixe la tâche d’expliquer l’utilité de la mort violente, d’expliquer les raisons pour lesquelles la mort en masse des soldats reste féconde malgré le fait qu’elle n’ait pas, pour le moment, apporté la victoire. Ainsi, on passe d’un récit romanesque et légendaire du combat à une martyrologie républicaine insistant sur la cruauté de la guerre industrielle et de sa souffrance, mais qui exalte en même temps la mort violente sur le champ de bataille comme un don total et sans réserve pour le salut national, puis, à partir de 1917, pour donner à la France la paix de justice et de droit, la paix par la victoire. Ce nouveau récit sacrificiel implique avant tout l’abandon des représentations romancées du conflit, telles qu’elles sont apparues au XIXe siècle, et le déplacement du regard vers les conditions réelles du combat et les ravages de la guerre sur les corps des soldats. Nous insisterons ici sur le fait que ces descriptions réalistes de la violence des tranchées s’incorporent en réalité dans le récit qui a encadré la guerre dès ses débuts, à savoir la lutte de la civilisation contre la barbarie. Notre attention porte aussi sur le rôle symbolique de la victime sacrificielle : celle-ci opère comme un bouc émissaire canalisant la violence de l’adversaire pour qu’elle ne frappe pas ceux à qu’elle visait d’abord, à savoir la société civile. Dans cette perspective, cette communication montre qu’à partir de 1915, année où la société civile prend véritablement conscience des réalités du conflit industriel et des ravages de la guerre d’usure, l’enjeu principal de la commémoration est de démontrer que les soldats français endurent stoïquement la violence de la guerre sans pourtant la déclencher. En définitive, les allusions à la violence des tranchées servent avant tout à préparer mentalement la société civile à s’installer dans une longue guerre d’usure et à faire accepter le nombre des sacrifices réclamés pour la victoire finale.
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