La rhétorique des larmes dans la littérature du XVIIIe siècle (original) (raw)
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La rhétorique des larmes dans la littérature du XVIIIe siècle: étude de quelques exemples
Modèles linguistiques, 2008
La question du pathos dans la littérature du XVIII e siècle est liée à celle de l'expression. Comment dire l'émotion ? Quelle langue utiliser pour qu'elle ne soit pas suspecte d'insincérité ou d'artifice rhétorique ? Il s'agit de savoir comment le langage, avec ses règles et la tradition littéraire qui le soutient, peut exprimer la sensibilité, par définition toujours neuve et labile. Le carcan de la langue ne risque-t-il pas de figer en expressions toutes faites et dans une syntaxe ordonnée par la raison, les mouvements perpétuels de l'émotion, sa spontanéité et son irrationnel surgissement ? Si le coeur a ses raisons, il doit aussi avoir son langage qui échappe à celui de la géométrie. Comment faire entendre le cri de la passion dans la langue des mathématiciens ? L'émotion serait alors comme une langue étrangère dans la langue officielle, comme l'indique cette réflexion de Julie de Lespinasse, dans une lettre à Condorcet :
Littératures classiques, 2007
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Rhétorique des polémiques préfacielles au XVIIIe siècle
in : Luce Albert et Loïc Nicolas (dir.), Polémique et rhétorique de l'Antiquité à nos jours, Bruxelles, De Boeck-Duculot, 2010, p.289-303, 2010
Une polémique peut en cacher une autre. Sous le manteau de la polémique entre romanciers et critiques, qui est un faux débat, on voit à l’œuvre, dans les préfaces de roman du 18e siècle, une manipulation textuelle particulièrement rusée et retorse, où le discours se libère peu à peu de l’empreinte du classicisme. Cette libération s'effectue par la décomposition de la rhétorique de l’accréditation, la promotion d’une poétique de l’autonomie textuelle et une pragmatique de la légitimation. L’étude des récits préfaciels de romans du XVIIIe siècle révèle des moyens insoupçonnés et particulièrement efficaces de la polémique. Pour ce qui est du renouveau romanesque dont la préface est le principal moteur, la polémique – épistémologique, morale, poétique ou esthétique – ne se fait pas ouvertement, mais s'effectue dans la déconstruction d’une très ancienne topique, qui se charge progressivement de nouvelles valences, dans un interaction permanente avec la doxa.
Note sur la poésie française au XVIIIe siècle
Études françaises, 1991
Cet article essaie de comprendre en quoi la conception même de la poésie au XVIIIe siècle en France diffère de la nôtre qui reste fondamentalement dépendante du romantisme. L’on cherche ensuite à déterminer si cette conception ancienne de la poésie est liée à la définition ancienne de la société d’Ancien Régime.
Le langage du corps souffrant dans quelques œuvres du XVIIIe siècle
2004
Il s'agira de voir comment le corps souffrant est pris en charge par l'écriture, comment le corps affronte le langage et le met parfois en péril ou lui fait chercher ses limites. Leurs rapports dans la littérature du XVIIIe siècle manifestent la fin de la représentation classique, qui a également des conséquences dans le domaine pictural. Avec l'émergence d'un nouveau discours médical, naît une nouvelle sémiologie du corps, qu'on va traquer dans ses symptômes et son langage particulier, en particulier celui des signes du visage, qui se donnent à lire et font l'objet de toute une codification. Cette nouvelle écriture d'un corps parlant est particulièrement manifeste dans La Religieuse de Diderot, qui fut aussi, et ce n'est pas un hasard, un grand admirateur de Greuze et l'inventeur de la critique d'art. Une interrogation sur le corps souffrant dans la littérature du XVIIIe siècle ne pouvait pas faire l'économie d'une lecture attentive de Sade, en particulier des Malheurs de la vertu, où le regard sur le corps peut se faire curieux, d'une curiosité scientifique qui a quelque chose à voir avec le désir et la jouissance du libertin qui garde le pouvoir du regard et de l'observation. Pour rester dans le corpus romanesque de ces corps souffrants, nous nous attarderons également sur quelques passages de Jacques le Fataliste pour montrer comment, dans une même oeuvre, Diderot peut adhérer à cette écriture du pathos ou, au contraire, prendre ses distances avec elle. Enfin nous nous intéresserons à un roman moins connu, Les Sacrifices de l'amour de Claude-Joseph Dorat. Il n'était pas envisageable de faire complètement l'impasse sur les écritures du moi dans cette enquête sur la représentation du corps souffrant ou du corps ému dans la littérature française du XVIIIe siècle. Certains textes autobiographiques, issus des Confessions de Jean-Jacques Rousseau ou de Monsieur Nicolas de Rétif de la Bretonne, permettent de mettre en lumière ce que les textes fictionnels empruntent aux représentations et aux perceptions réelles du corps. C'est en étudiant la mise en scène du corps souffrant au théâtre, en particulier dans Inès de Castro de Houdar de la Motte, qui fut un grand succès du siècle, et dans La Mère coupable, le dernier volet de la trilogie de Beaumarchais, que l'on a des chances de saisir au plus juste les lieux du corps privilégiés par l'écriture pathétique. Si les larmes sont prépondérantes comme on pourrait s'y attendre, les genoux sont aussi un lieu topique du corps souffrant, tel que la scène le représente alors. Cela s'explique par une reprise " néoclassique " des images antiques, mais surtout d'une laïcisation de modèles religieux. Le pathos est une écriture du corps, une manière de le prendre en charge dans le discours. Cette prise en considération de ce qui jusque-là ne bénéficiait pas du même traitement dans la littérature provient de la valorisation de l'intimité et de la vie privée au XVIII e siècle. Le corps est considéré comme un ensemble de phénomènes ou de symptômes à déchiffrer et à interpréter dans une perspective sémiologique. Il est également conçu comme un réservoir de codes et d'expressions: c'est un corps domestiqué, socialisé et morcelé pour ainsi dire par la représentation signifiante qu'en donne le texte. Le corps semble s'abolir dans sa propre théâtralisation. L'écriture inscrit le corps pour mieux le contrôler et en nier ou du moins en atténuer les aspects morbides ou dangereux. La dérégulation demeure contrôlée:
Paris, L’Improviste, 2010, p. 83-96.
La cataracte des larmes chez Georges Bataille : une éthique du sacrifice Si comme d'autres écrivains du XX e siècle Georges Bataille s'est servi du motif des larmes dans son oeuvre, il fait néanmoins partie des rares auteurs qui ont accompagné le motif d'une réflexion philosophique. Le sujet occupe une place centrale dans sa dernière oeuvre, Les larmes d'Eros (1961) 1 . L'ouvrage se présente comme un florilège d'oeuvres picturales érotiques et cruelles. A travers cette collection, Bataille entend re-parcourir les grandes étapes historiques de l'art occidental. Il pense qu'à chaque époque, l'art érotique a servi à traduire des préoccupations métaphysiques liées à la conscience tragique de la mort. Mais la rédaction du livre est douloureuse car Bataille est très malade, il a conscience de composer sa dernière oeuvre. En entrelaçant ces trois motifs : érotisme, mort et larmes, il s'agit pour lui de revenir une dernière fois à « l'essentiel ». Il procède à un montage de textes, de reproductions d'art, de photos et ce montage frappe justement par la façon très personnelle que Bataille a de réinvestir le motif de l'épanchement des 1 Les Larmes d'Eros, préf. J.