2015, « Une séance de guérison chez une khandroma », in C. Ramble et U. Roesler (éds.), An Anthology of Tibetan and Himalayan Healing. Katmandou : Vajra Publications, pp. 601-611. (original) (raw)
Une séance de gUérison chez Une khandroma 1 nicola schneider Une jeune mère tibétaine est assise sur le devant du magasin de son mari à Mcleod ganj (dharamsala, inde). elle tient dans ses bras son bébé d'environ six semaines. Tandis que ce dernier, curieux, cherche à observer tout ce qui l'entoure, le regard de sa mère est vide, son corps immobile ; elle semble être complètement coupée de la réalité. cela fait bientôt quatre semaines qu'elle se comporte ainsi et son mari s'inquiète. il l'a accompagnée pour des consultations à Men-Tsee-Khang (sman rtsis khang, 'Tibetan Medical and astrological institute'), à l'hôpital delek (tenu par des réfugiés tibétains, mais pratiquant la biomédecine occidentale), puis à l'hôpital public indien, mais rien n'y a fait, l'état de sa femme est resté inchangé. en occident, le diagnostic serait probablement une psychose puerpérale aiguë, une dépression post-natale sévère, nécessitant une prise en charge urgente, notamment en vue de protéger le nouveau-né. Mais chez les Tibétains, où l'expression culturelle de ce que nous nommons éventuellement dépression est différente 2 , il y a une autre explication: selon eux, cette femme est affectée par des dön (gdon), une catégorie « d'agents pathogènes, non humains, crédités de l'intention de nuire » (Meyer 2000: 252). ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cette jeune mère souffre de cette maladie, puisqu'elle présente régulièrement les mêmes symptômes, indépendamment de toute naissance. la médecine tibétaine distingue entre deux catégories de maladies, celles qui sont dues à des causes naturelles et celles qui, à l'inverse, sont dues aux causes surnaturelles, c'est-à-dire aux maléfices des mauvais esprits. Tandis que les premières ont leur traitement dans la médecine tibétaine traditionnelle (gso ba rig pa), les dernières nécessitent bien souvent en plus l'intervention d'un spécialiste religieux: un lama, un médium (lha pa) ou tout autre spécialiste de l'exorcisme (Meyer 1981, samuel 1999. de même, après les échecs de la médecine tibétaine et occidentale, la première réaction de nos jeunes parents était de consulter un devin (phyag mo), puis un lama spécialisé dans les rituels exorcistes, lhochö rinpoche 3 ,