De L’ère du soupçon à Pour un nouveau roman (original) (raw)

De L’Histoire À La Fiction : L’Enquête

مجلة البحث العلمی فی الآداب

Dans notre thèse, le choix des textes s'est fixé sur deux « romans métahistoriques », autrement dit, des romans où Histoire et fiction s'imbriquent et s'interfèrent. Or, cette insertion du référentiel dépasse le simple rôle d'un cadre spatio-temporel pour devenir objet de réflexion et de souvenir. Nos deux romans sont La Seine était rouge de Leïla Sebbar et Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx. C'est sur ce dernier roman que porte cet article. En fait, Meurtres pour mémoire est un roman où l'Histoire s'imbrique avec les impératifs du polar. Sa particularité réside dans sa double structuration temporelle et son cheminement narratif à sens inverse, allant de l'Histoire à la fiction et de la fiction à l'Histoire. C'est la première voie qui constituera l'essentiel de cet article. Ainsi, la question que nous nous posons ici est d'après quel cheminement et processus, Daeninckx est-il parvenu à passer de l'Histoire à la fiction ? Ce roman est généré par un évènement d'ordre historique, celui de la manifestation des Algériens le 17 octobre 1961. Un fait qui s'annonce au premier chapitre grâce à une sorte de découpage cinématographique, mais dont les détails les plus atroces ne seront entièrement révélés qu'au second chapitre. Et c'est là que le fictionnel commence à s'interférer avec le référentiel et prendre le dessus par un premier élément du roman noir : le meurtre d'un certain Roger Thiraud, personnage entièrement fictionnel. Ensuite, nous assisterons à un décalage temporel de vingt ans, un changement d'espace, de point de vue, et de péripétie : un nouveau personnage est assassiné à Toulouse, à savoir le fils de Roger Thiraud, chercheur également féru d'Histoire. Ces deux crimes d'ordre fictionnel constitueront donc une matrice générant la plus grande partie du texte, celle de l'enquête policière entreprise par l'inspecteur de police Cadin et dont nous essayerons d'analyser les éléments, ‫اآلداب‬ ‫فى‬ ‫العلمى‬ ‫البحث‬ ‫مجلة‬ ‫لسنة‬ ‫عشر‬ ‫التاسع‬ ‫العدد‬ 81002 ‫السادس‬ ‫الجزء‬ avant qu'elle ne se transforme en quête à Paris. C'est ainsi que nous passons de l'Histoire à la fiction. Mots-clés : Histoire / Fiction-référentiel / fictionnel-roman noir-manifestation algérienne du 17 octobre 1961-Harkis-cheminement narratif-structuration du texteniveau narratologique-vision omnisciente-vision interne-prologue-avanttexte-intertitres onomastiques-enquête policière-quête-indice-piste-mystèremeurtres-inspecteur de police-archives-lieux privilégiés-matrice-lectoratinstance auctoriale. N.B. Dans les citations tirées du texte de Didier Daeninckx, c'est nous qui soulignons certains mots ou phrases. Dans le cas contraire, nous le précisons dans une note en bas de page. ‫اآلداب‬ ‫فى‬ ‫العلمى‬ ‫البحث‬ ‫مجلة‬ ‫لسنة‬ ‫عشر‬ ‫التاسع‬ ‫العدد‬ 81002 ‫السادس‬ ‫الجزء‬ « Je ne sais si j'écris « pour mémoire », mais j'écris contre l'oubli » 1 Didier Daeninckx C'est dans les années quatre-vingts du siècle dernier que, d'après l'avis unanime des critiques, le roman français a connu un glissement. Du roman des recherches formelles prôné par le nouveau roman, on passe au roman du « réel ». Un réel qui s'est traduit par des formes diverses : telles que, à titre d'exemple, récits autobiographiques, romans de l'usine, roman de filiation où le passé est associé au présent, ou simplement romans métahistoriques. Ce dernier se distingue des autres grâce au préfixe « méta », « élément tiré du grec meta exprimant la succession, le changement, la participation…, et entrant dans la composition de nombreux mots savants » 2. Or, le sens le plus adéquat à l'adjectif métahistorique est celui de l'au-delà puisqu'on passe de la simple écriture de l'Histoire jouant le rôle d'un cadre spatio-temporel à l'Histoire devenue objet de recherche et d'investigation. Il s'agit en d'autres termes : « des personnages qui se confrontent rétrospectivement au passé et réfléchissent sur la transmission ou le manque de transmission de celui-ci. » 3. C'est sur ce retour au passé, qui s'est traduit par ce genre de texte narratif qualifié par la critique de « roman métahistorique », que notre choix s'est porté. Comme il s'est fixé sur deux romans, La Seine était rouge de Leïla Sebbar et Meurtres pour mémoire 4 de Didier Daeninckx, roman noir couronné du Prix Paul Vaillant Couturier en 1984 et du Grand prix de littérature policière en

Un nouvel âge de l'enquête

16 mai, 2019

L’« âge de l’enquête » : c’est la formule d’Émile Zola qui décrit là un XIXe siècle emporté par une fièvre d’investigations et de déchiffrements. Une formule d’actualité au XXIe siècle, au moment où s’ouvre un nouvel âge de l’enquête : les écrivains contemporains investissent à nouveaux frais le terrain social, à la croisée du reportage, des sciences sociales et du roman noir. C’est cette passion renouvelée du réel que je voudrais saisir ici, à travers les gestes de l’enquête. S’étonner, explorer, collecter, restituer, poursuivre, suspendre : cette liste ouverte d’opérations concrètes, de pratiques et d’expérimentations dessine le cheminement même de l’enquête. Elle dessine également les moments d’une dynamique, inlassable et inachevable, qu’empruntent aujourd’hui les écrivains pour élucider, nommer et raconter l’épaisseur du monde, en donnant voix aux vies silencieuses. Cette obsession de l’enquête, je la traque à mon tour depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, dans une littérature qui s’invente aux franges des disciplines – d’Emmanuel Carrère à Jean Rolin, d’Ivan Jablonka à Hélène Gaudy, d’Emmanuelle Pireyre à Patrick Modiano, de Philippe Artières à Kamel Daoud, de Philippe Vasset à Svetlana Alexievitch. Il m’a semblé, chemin faisant, que cette littérature du réel s’écrivait dans le sillage de Georges Perec. Ses dispositifs inventifs, minutieux et critiques sont autant d’instruments d’exploration, qui font de la littérature un protocole de savoir et un outil de connaissance intime.

« Pour Romantisme », encore et toujours

Romantisme, 2015

Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Article disponible en ligne à l'adresse Article disponible en ligne à l'adresse https://www.cairn.info/revue-romantisme-2015-1-page-5.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s'abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Un premier âge de l’enquête ?

HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2023

De nos jours, les investigations sur la Shoah, qu'elles soient fictionnelles ou non, forment presque un genre à part entière. Elles sont menées par des auteurs qui n'ont pas vécu les événements et qui sont le plus souvent des descendants des victimes. Elles se présentent alors comme des biographies incomplètes des disparus et des autobiographies indirectes de l'écrivain qui enquête. Cette forte visibilité de l'enquête dans le champ littéraire contemporain ne doit pourtant pas masquer le fait que l'investigation sur la Shoah n'est pas une forme inédite et propre à notre époque. L'enquête a des racines profondes issues de la guerre puis de l'aprèsguerre où l'on a interrogé des témoins, collecté des preuves, archivé des documents 1 , notamment pour instruire des procès. Des commissions d'investigation ont été créées, des listes de victimes ont été dressées, dont les plus connues sont