"La réputation et ses dispositifs. Introduction", terrains & travaux 26, 2015 (original) (raw)

La réputation comme douceur imaginaire

Phaeton, 2018

Si la critique de la réputation peut être considérée comme un « lieu commun » de la pensée du XVIIème siècle (Weil 1991), la plume de Montaigne exprime mieux que d’autres ce scepticisme à l’égard de la réputation. Paradoxalement, l’auteur des Essais et les gestionnaires contemporains partagent une certaine vision des phénomènes de réputation comme motif de l’action. Le postulat selon lequel la réputation est l’objet d’une quête commune aux hommes est au fondement des philosophies morales comme des entreprises de conseil en e-réputation, mais avec des logiques et des visées différentes. Les penseurs sceptiques et moralistes conseillent de ne pas trop s’en soucier, en raison de sa nature incontrôlable, tandis que les gestionnaires conseillent non seulement de s’en soucier mais de recourir à des professionnels pour rendre son contrôle plus performant.

Cette mauvaise réputation… Quand la « zone » fait des histoires (1895‑1975)

Ethnologie française, 2018

FR De la Belle Époque aux Trente Glorieuses, ou d’une fin de siècle à l’autre, la « zone » de Paris s’est imposée dans les imaginaires comme un territoire emblématique de la marginalité. Sur cette bande de terrain vague prise entre la ville intra-muros et sa banlieue ont vécu des Gitans, chiffonniers, vanniers et autres petits ouvriers mêlés à un monde interlope constitué de voyous et de brigands dont la réputation sulfureuse a déteint sur la zone tout entière. Cet article tente moins d’en faire l’histoire qu’il ne s’efforce de restituer les histoires dont elle a pu faire l’objet. Dans les romans, les journaux ou la musique populaire, la zone s’est ainsi affirmée comme le personnage incontournable d’un exotisme marginal prompt à effrayer la bonne société. Si les rénovations de Paris et les travaux du périphérique entrepris dans les années 1950 l’ont peu à peu effacée en tant qu’espace physique, nous verrons comment la zone a néanmoins subsisté en tant qu’espace symbolique des déclassés. EN From the Belle Époque to the Trente Glorieuses, or from one fin de siècle to another, the marginal territory of the Paris “zone” captured the public imagination. The wastelands of the zone, wedged between the intramuros city and its suburbs, were inhabited by Gypsies, ragpickers, basket-makers and other impoverished workers, but also frequented by thugs and gangsters whose unsavoury reputation coloured perceptions of the entire area. This article seeks not so much to record the history of the zone as to resurrect some of the stories it inspired. In novels, newspapers and popular music, the zone became the quintessential embodiment of a marginal exoticism that alarmed polite society. While the renovation of Paris and the construction of the boulevard périphérique from the 1950s gradually erased the zone as a physical space, it nevertheless survived as a symbol of society’s déclassés.