The concepts of "part" and "multipart music" for the Maale of Southern Ethiopia (original) (raw)

2012, Multipart music as a specific mode of musical thinking, expressive behavior and sound: 105-128

Dans les années 1970, Simha Arom a élaboré de nouveaux outils conceptuels et méthodologiques permettant l’analyse des polyphonies et polyrythmies de tradition orale en Centrafrique, qui ont abouti à la publication de son ouvrage de référence (Arom 1985). Depuis, il n’a cessé de préciser et de développer cet outillage en collaboration avec d’autres chercheurs, comme Vincent Dehoux, Susanne Fürniss, Olivier Tourny, Nathalie Fernando, Emmanuelle Olivier, Sylvie Le Bomin (etc.), qui ont enrichi et adapté ces outils à leurs terrains respectifs. L’apport de ces recherches n’est pas seulement méthodologique. Leurs travaux contribuent à la vaste question des modèles en ethnomusicologie cognitive. Le problème qui se pose pourrait se résumer comme suit : quelles références mentales guident les musiciens de l’oralité en cours de performance ? Jouent-ils au hasard ou se laissent-ils guider par un modèle cognitif, sorte de "partition intérieure" ? Les chercheurs mentionnés plus haut ont révélé que la plupart des musiques contrapuntiques que l’on rencontre en Centrafrique, au Cameroun, au Gabon et en Tanzanie sont fondées sur une conception commune. Toutes cycliques, ces pièces sont composées d’au moins deux parties constitutives, chacune d’elles étant sous-tendue par un schéma mélodique épuré, qui sert de référence mentale à tous les musiciens lors de la performance. Les musiciens ont alors recours à plusieurs procédés de variation pour générer les multiples réalisations de la pièce à partir des motifs mélodiques qui sous-tendent chacune de ses parties constitutives. Quant à la pièce, elle est sous-tendue par un modèle contrapuntique, qui résulte de l’imbrication de ses différentes parties mélodiques. Les recherches que je mène, depuis 2001, sur les pièces polyphoniques maale du sud-ouest éthiopien m’ont amené à me demander si ces pièces sont fondées sur le même principe. Mes travaux tendent à montrer que la conception maale du contrepoint n’est pas seulement différente de celle que l’on rencontre dans ces régions, mais que d’un certain point de vue elle en est diamétralement opposée. Cet article démontre que le modèle de type épure, découvert par Simha Arom (1985) en Centrafrique, n’est pas opérationnel chez les Maale. Je soulève alors l’hypothèse que les musiciens se réfèrent à un modèle plurivocal qui contient en son sein la totalité des variantes potentielles de la partie qu’ils exécutent. L’utilisation d’un protocole d’expérimentation interactive permet de confirmer la validité de cette hypothèse sur le terrain. Pour finir, je propose une typologie des modèles musicaux utilisés dans différentes régions d’Afrique. Ce texte, qui fait écho à un récent article de Victor Grauer (2009), alimente la thèse de Susanne Fürniss et Emmanuelle Olivier (1997) selon laquelle il existe différentes conceptions africaines du contrepoint.