La terra trema (L. Visconti, 1948) et sa version française : déplacement de la fonction et de la signification d’un commentaire en voix-over (original) (raw)

« Voix de la terre, chants de la terre (à partir de la fable d’Écho dans les Pastorales de Longus) »

Des deux fables antiques consacrées à Écho, la plus connue aujourd'hui est sans doute celle qu'Ovide raconte dans les Métamorphoses (III, 359-377) : Écho est une nymphe trop bavarde, que Junon a condamnée à répéter la fin des paroles d'autrui, et qui, amoureuse en vain de Narcisse, se change en pierre. Ce récit n'a pas cessé de susciter des réflexions sur le langage poétique, et sur la frontière qui sépare le monologue du dialogue. Un peu moins célèbre est peut-être l'histoire d'Écho telle que la raconte Longus à la fin du IIe siècle, au sein des Pastorales ou amours de Daphnis et Chloé. Dans ce roman, Écho n'est pas une nymphe, mais la fille d'un mortel et d'une nymphe. Elle n'est pas bavarde, mais chanteuse et musicienne, " apprise " , comme l'écrivait Amyot dans sa traduction, " par les Muses, qui lui montrèrent à jouer de la flûte, à former des sons sur la lyre et sur la cithare, et lui enseignèrent toute sorte de chant " (III, 23, 2). Elle n'est pas amoureuse déçue de Narcisse. Bien au contraire, elle aime la virginité et fuit les hommes. Tout spécialement, elle repousse les avances du dieu Pan. C'est donc lui et non Junon qui tire vengeance d'elle, en déchaînant des pâtres et des chevriers, qui, " comme des chiens ou des loups, dépècent la jeune fille, et la dispersent sur toute la terre (eis pasan tèn gên), tandis qu'elle chante encore ses mélodies " (III, 23, 3). On a évidemment rapproché ce diasparagmos de celui d'Orphée, raconté par Virgile dans les Géorgiques (IV, 520). Mais l'Écho de Longus a, si l'on peut dire, plus de chance qu'Orphée : elle est prise en pitié par la Terre (Gê). Les bergers et les chevriers ont dispersé ses membres, tandis qu'elle chantait encore ses " mélodies " (le mot grec est mélè). La Terre justement, " par amour des Nymphes, ensevelit tous ses membres [le mot grec est à nouveau mélè] en conservant son talent musical ". Le roman ici joue doublement sur les mots et les noms. D'abord élément naturel qui reçoit son cadavre, la terre (tèn gên) devient la divinité toute puissante qui la sauve (Gê) ; ensuite, le mot mélè, d'abord employé au sens de " membres d'une phrase musicale " , traduit ici par " ses mélodies " , est aussitôt repris au début de la phrase suivante comme en écho, mais cette fois-ci au sens de " membres du corps " : là où la traduction française doit choisir entre deux mots (membres ou mélodies) en fonction du contexte, le grec de Longus emploie le même mot, et ainsi la terre/Terre ensevelit et cache à la fois le corps et la musique de la vierge (le texte grec dit sobrement ekrupse panta, " cacha tout "). Désormais devenue elle-même écho, la terre " au gré des Muses " fait entendre une voix qui imite tout, " comme autrefois la jeune fille : dieux, hommes, instruments de musique, bêtes sauvages " (III,

Dal Naturale della mano d’Adriano Marchetti ou la traduction comme « épreuve » du dialogue avec l’inconscient créateur d’Henry Bauchau poète

Revue internationale Henry Bauchau. L’écriture à l’écoute, 2012

L’article se fait l’écho de la traduction de poèmes de Bauchau en italien par Adriano Marchetti. Outre l’accent mis sur ce que la poésie de Bauchau doit à la psychanalyse freudienne et à l’écoute des voix de l’inconscient, il met en lumière ce que la traduction apporte de nuances et d’éclairages particuliers. Il analyse dans cette optique deux poèmes de Double zodiaque : La Vierge et les Poissons et conclut : « Ces deux poèmes s’avèrent emblématiques de la pratique de traduction de Marchetti. Ce traducteur trace en effet dans ses textes des parcours phono-symboliques qui, comme les constellations qu’observaient les marins de l’Antiquité, aident le lecteur à s’orienter dans la traversée de la poétique bauchalienne.[…] La parole de traduction est ainsi « apprentissage du propre », […], présence vive et perceptible du traducteur au sein de ses textes. […] ».

Le statut de la traduction dans les éditions bilingues : de l’interprétation au commentaire

Palimpsestes, 2007

Dans la pratique courante, les traductions des oeuvres littéraires sont lues en l'absence de leur original, et la conscience que le lecteur peut avoir des écarts entre les deux textes ne survient guère qu'au détour d'une formulation déroutante. Il s'ensuit que les modifications, les omissions, les additions, les paraphrases ou les contextualisations peuvent facilement passer inaperçues, sans renvoyer au fait de la traduction, car le texte est présenté comme un document singulier et fini. Seul un retour délibéré à l'original et la comparaison entre les deux textes permettent alors de repérer ce fait. Il n'en est pas de même avec les éditions bilingues qui font coexister original et traduction, l'une en regard de l'autre. Cette coexistence dans l'espace organisé de la double page n'est pas sans incidences sur les relations qu'entretiennent les deux textes, qu'ils soient historiquement éloignés l'un de l'autre ou contemporains. Leur saisie, presque simultanée dans l'immédiat de l'acte de lecture-si le lecteur le veut bien-a pour effet de les re-lier et, à certains égards, de modifier leur relation, les rapprochant d'autres modes de traduction comme, par exemple, l'auto-traduction. Le statut de la traduction dans les éditions bilingues : de l'interprétation ...

Traduction multimédia et voix régionales : la version française du film Respiro d’Emanuele Crialese

Traduire, 2012

Carabinier : bonjour mademoiselle. Favorisca i documenti per favore. Je peux voir vos papiers, s'il vous plaît ? Marinella : li ho lasciati a casa Marinella : ils sont à la maison. Carabiniere : Cioè lei sta circolando Carabinier : non seulement vous circulez avec deux con due passeggeri a bordo ed è sprovvista passagers à bord et en plus, vous êtes en train di documenti relativi al ciclomotore e personali? de me dire que vous n'avez pas vos papiers ? Marinella : lei è nuovo vero? Marinella : vous êtes nouveau ici ! Carabiniere : sì, sono in servizio da ieri Carabinier : je suis en service depuis hier. Grazia : benvenuto! Grazia : bienvenue chez nous ! Carabiniere : grassie (16). Dai…per stavolta lascio Carabinier : merci… Pour cette fois… andare.. però uno di voi deve andare a piedi, je ferme les yeux. Mais l'un de vous doit che senò chi vi vede cosa pensa? continuer à pied, sinon, j'aurai l'air de quoi ? Grazia : scinni Filì. Grazia : descends, Filippo. Filippo : pecchè devo scendere? Non fai sfaventare Filippo : pourquoi moi ? nessuno con questa paletta e questa pistola, Tu me fais pas peur avec ton espèce pe... pezzo di sbirro. de bâton et ton pistolet. Poulet ! Grazia : ti dissi di scendere Filì…. Scusate! Grazie! Grazia : allons, on t'a dit de descendre, Filippo ! Désolée. Merci. Carabiniere : niente dai… dai, andate su! Carabinier : de rien. Allez, circulez. Traduction multimédia et voix régionales : la version française du film Respiro d'Emanuele Crialese 109 Traduire n° 227, décembre 2012

La voix du traducteur et l’écho de la traduction

Revue internationale Henry Bauchau. L’écriture à l’écoute

L’article fait le point sur son expérience de traduction en italien des deux romans de Bauchau qui concernent l’accompagnement d’un mourant. La traductrice montre à l’aide d’exemples précis les échos intratextuels entre ces deux récits. Elle précise aussi comment elle a pu surmonter la peur de faillir à restituer la tonalité du texte-source par une lecture à voix haute et une écoute des signifiants. Elle revient sur la question de l’empathie et sur l’irruption inconsciente de la voix du traducteur.

Un silence éloquent : narration et fantastique dans Fragoletta (1829) de Latouche et La Vénus d’Ille (1837) et Lokis (1869) de Mérimée

Alexandra Jeleva, Quêtes littéraires nº 7, 2017 : Le silence en mots, les mots en silence

The paper analyses three works having employed a similar narrative strategy which triggers tension between the explicable and inexplicable and an interpretative crisis that allows a fantastic reading of the fictional text. This strategy is related to the paradoxical statute of the narrator due to which the reader is faced with an incomplete elliptic account because of the former’s reluctance (or impossibility) to offer a definite interpretation of the events.

Traduction comme témoignage : quelle fidélité ? Quelques considérations sur la traduction italienne du Désert mauve, de Nicole Brossard

Genèse du Choix, 2016

Le Désert mauve de Nicole Brossard propose, entre autres, une phénoménologie pré-cise de la lecture et de l'écriture comme processus de palimpseste dialogique et donc ouvert. En ce sens, il constitue un texte exemplaire pour explorer le défi de la traduc-tion en tant que pratique transformatrice de ré-écriture, dont les critères de « fidélité » ne peuvent être réduits aux seuls problèmes d'« équivalence » linguistique, ni être éva-lués dans leur seul rapport à l'autorité de prime abord inattaquable du texte-source « original ». Au contraire, dans le roman les choix de traduction sont explicitement mis au premier plan comme des choix qui n'ont pleinement de sens que lorsqu'ils sont mesurés dans le contexte d'une fidélité radicale à ce que Brossard appelle « les paysages vrais » de la langue et de ses fictions – des paysages, faudrait-il ajouter, qui obligent la lecteure-traducteure à « entrer en scène » (89).

1943 au miroir de la traduction poétique en français : pour un état des lieux

1943 en traductions dans l'espace francophone européen, 2018

This paper proposes a panorama of poetry translations into French published in 1943 in a representative panel of periodicals (released in the occupied zone, the free zone, and in Northern Africa, whether legal and/or subversive) and of critical reviews published in their wake. We will also focus on "translatological" comments printed in several media, attesting to an intense reflection on the art of translating poetry in times of war.