Nature, coutume et droit chez Hegel (original) (raw)
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Hegel. Droit Naturel et Science de l'Etat
Au cours du semestre d'hiver 1817-1818, à l'université de Heidelberg, Hegel prononça une série de leçons intitulées " Droit Naturel et Science de l'État " (sous-titre des Principes de la philosophie du droit publiés trois ans plus tard), dont on peut considérer à bon droit qu'elles constituent la première philosophie du droit. Ces leçons nous sont parvenues sous la forme du manuscrit d'un auditeur, Peter Wannenmann, étudiant en droit, qui rédigea une transcription fidèle et exhaustive de l'enseignement oral de Hegel. Le présent ouvrage offre une traduction complète du manuscrit Wannenmann, lequel, outre les leçons de Heidelberg, donne aussi à lire les remarques de l'introduction au cours tenu à Berlin en 1818-1819. La traduction est accompagnée d'une présentation et d'un appareil critique établissant la portée philologique et philosophique du manuscrit au sein du corpus de la philosophie du droit hégélienne. Par leur ampleur insoupçonnée, les innombrables passages qui annoncent le livre et en complètent la lecture, les nombreux autres passages qui s'en écartent tout aussi significativement et renouvellent son interprétation, les leçons de Heidelberg " sur le droit naturel et la science de l'État " forment un document indispensable pour l'étude de l'évolution et du contenu de la philosophie juridique, morale, et politique de Hegel.
Nature et esprit chez Hegel : amant ou rival ?
Philosophiques, 2003
Résumé La notion d’« Esprit » que chérit le système hégélien a été tellement galvaudée qu’on n’associe souvent de nos jours ce dernier qu’à l’opposé de la nature sans trop comprendre ce que cela signifie vraiment en termes hégéliens. Dans un même élan, on prend un malicieux plaisir à soulever le haut niveau d’abstraction de cette philosophie qui, aux dires de ses détracteurs, délaisse complètement ce qui est naturel au profit de ce qui est spirituel. La nature et le monde matériel se trouvent-ils si mal servis par l’hégélianisme ? Nous allons montrer que non, en expliquant que cette apparence dérive directement d’un refus de prendre en compte la métaphysique qui oeuvre à l’arrière-plan du désir hégélien d’articuler la totalité de ce qui est dans le discours philosophique.
Le bien commun chez Hegel : le cas de la moralité et de la vie éthique Gilles Marmasse (Université de Poitiers) S'agissant du lien entre bien commun et bien individuel, la lecture de Hegel ne peut que susciter la perplexité. a) D'un côté en effet, la notion d'universalité apparaît sans cesse chez le philosophe allemand, qui se présente comme un défenseur de l'universel à l'encontre du particulier. Nous lisons par exemple dans l'Encyclopédie : « La liberté vraie tient à ce que la volonté n'a pas un contenu subjectif, c'est-à-dire égoïste, mais un contenu universel. » 1. b) D'un autre côté pourtant, dans le débat avec Kant à propos de la morale, Hegel semble faire le procès de l'universel et soutenir que, pour déterminer la règle de l'action, l'universel n'est pas opératoire 2. Il valorise en effet les institutions d'appartenance du sujet agissant : un individu est membre de telle famille, de tel peuple, etc., et c'est à partir seulement de ce contexte qu'il peut savoir ce que qu'il a à faire. c) Néanmoins, pour ne rien arranger, quand Hegel examine les normes éthiques, qui donc sont toujours situées, la thématique de l'universel revient continûment. Par exemple, dans les Principes de la philosophie du droit, il soutient que la destination des individus est de mener, dans l'État, une « vie universelle » 3. Hegel ne se contente-t-il pas, finalement, de mêler des concepts opposés en une combinatoire qui produit davantage d'obscurité qu'elle n'est éclairante ? Il me semble que nous avons là, bien plutôt, une invitation à repenser la notion d'universalité. Dans le cadre de cet article, je souhaite réfléchir au lien du bien particulier et du bien universel chez Hegel en considérant principalement deux moments du système : la moralité (die Moralität) et la vie éthique (die Sittlichkeit). Comme on le sait, ces deux moments sont inscrits dans l'esprit objectif, lequel est le thème exclusif des Principes de la philosophie du droit. La notion de moralité renvoie à l'agir dont le principe provient du seul sujet singulier. Dans la conception hégélienne, l'action, bonne ou mauvaise, relève de la moralité quand l'agent tire sa maxime de lui-même et non pas de la norme institutionnelle. La Sittlichkeit, en revanche, désigne la vie des institutions, principalement de la famille, de la société civile et de l'État. Dans chacune de ces institutions, nous avons affaire à des normes partagées. Le problème traité
La philosophie de la nature dans l'Encyclopédie de Hegel
Archives De Philosophie, 2003
This article aims at highlighting the perspective, the issues and some fundamental results of Hegelian philosophy of nature, which appears as an effort to conceive the genetic order of nature as this one presents itself. If the fundamental category of nature is exteriority in the sense of radical dispersal, nature is determined by a tendency to re-unification. From mechanics to organic physics including physics, nature gains in rationality and autonomy, however without ever giving up its exteriority.
Le droit au châtiment chez Hegel
Dialogue, 2000
This paper tries to show that the idea of a right of the criminal to being punished, which founds and legitimizes Hegel's retributive conception of justice in his Philosophy of Right, is closely linked in fact with the way he used to think about the tragic in his early writings. Moreover, in the light of Schelling's reading of the tragic conflict aroused by the affirmation of freedom, in the Letters on Criticism and Dogmatism, it will be possible to investigate what this substantial background, thus interfering with law, concretely means for the question of Justice.
La philosophie de la nature de Hegel et les méprises du marxisme
La philosophie de la nature constitue le deuxième temps de l’exposé de la science hégélienne. Elle joue cependant un rôle important dans le système d’ensemble de Hegel Dans la philosophie de la nature, Hegel n’établit pas les fondements métaphysiques d’une physique ; la philosophie de la nature n’est pas une science seconde, située après l’idéalisme transcendantal. Bien au contraire, dès les prodromes du système hégélien , Hegel refuse, contre Fichte, cette séparation et cette hiérarchisation. La philosophie de la nature procède à une véritable annihilation de la matière, non pas une pure négation au nom d’un arrière-monde des Idées, mais un processus qui, à partir du recueil empirique, à travers des métamorphoses successives, dépouille la nature des apparences où l’enfermait la science « barbare » et révèle son essence qui est l’Esprit. Or par un curieux paradoxe le marxisme orthodoxe, en prétendant remettre Hegel sur ses pieds, c’est-à-dire en affirmant que l’essence de l’Esprit est la matière, reprend presque intégralement à son compte la dialectique de la nature qui est alors appelée à former l’ossature du matérialisme dialectique. Par l’expression « marxisme orthodoxe » nous désignons ce corpus doctrinal, plus ou moins formalisé qui finit par constituer une « Weltanschauung », dont les théoriciens principaux sont le Engels de la « Dialectique de la nature », Plekhanov et Kautsky, à qui il faudrait ajouter le Lénine de « Matérialisme et empiriocriticisme ». En cernant ainsi le marxisme orthodoxe, nous affirmons du même coup qu’il ne doit pas être confondu avec la philosophie de Marx ; comme le dit Michel Henry, le marxisme n’est peut-être que l’ensemble des contresens faits sur Marx. Or, le marxisme orthodoxe en faisant de la dialectique de la nature de Hegel le noyau matérialiste de la pensée de Hegel, commet d’abord un formidable contresens sur le système hégélien ; du même coup, illusionné par la métaphore du renversement qu’il prend pour un simple retournement — un peu comme on retourne un sablier — il commet une méprise fondamentale sur la pensée de Marx parce qu’il ne comprend pas quel est le sens de la critique marxienne de Hegel.
On considère ici l’injustice telle qu’elle est examinée dans la troisième section du « droit abstrait » des Principes de la philosophie du droit de Hegel, où elle prend le sens d’une mise en cause indue d’un titre de propriété. Il apparaît que l’injustice constitue, pour Hegel, le lieu d’affirmation du bon droit, dans la mesure où celui-ci n’est pas autre chose qu’un principe de rectification. La répartition juste des biens ne peut consister en un état donné mais s’obtient dans la lutte indéfinie menée contre les appropriations injustes.
SENS PRATIQUE ET NORMATIVITE: Hegel et Bourdieu
2018
L'entreprise peut paraître étrange qui consiste à comparer les conceptions hégélienne et bourdieusienne du «sens pratique» au prisme du type de normativité qui leur est liée et ce, d'abord, au regard de son objet même. En effet, s'il est assez évident que le «sens pratique», dans son rapport à l'habitus et à l'élaboration d'une «théorie de la pratique», est un des concepts fondamentaux de la sociologie bourdieusienne et de la théorie de l'action qu'elle contient, une telle centralité ne paraît pas immédiatement s'imposer s'agissant de la philosophie pratique de Hegel, telle qu'elle s'énonce plus particulièrement en une doctrine de l'«esprit objectif». De fait, l'expression «sens pratique» est extrêmement rare sous la plume de Hegel 1 et pour l'ensemble des Principes de la philosophie du droit, une seule occurrence est à recenser 2. Indépendamment, toutefois, de la simple question de mots, l'analyse de quelque chose de tel que le «sens pratique» chez Hegel se justifie en premier lieu à partir du concept, quant à lui manifestement fondamental s'agissant de la Sittlichkeit et de sa détermination, de sittliche Gesinnung, disposition-d'esprit éthique, dont l'explicitation occupe une grande partie de l'introduction de la section «Éthicité» et qui est constamment à l'oeuvre dans l'exposition de celle-ci: c'est d'abord à partir de la sittliche Gesinnung que le sens pratique peut et doit être compris. Mais c'est encore la mise en regard de deux pensées qui, à bien des égards, peuvent être tenues pour opposées qui peut surprendre. De fait, le propos ne sera pas ici de livrer une analyse systématique et globale de celles-ci pour tenter de sauver, malgré tout, quelques points d'accord. Sous un angle autre que celui de la comparaison exégétique, il s'agit bien plutôt de tenter de saisir la manière dont la normativité, le devoir-être, sont conçus dans deux appréhensions de l'action et de la pratique qui, pour être distinctes, ont au moins en commun d'accorder une place importante aux «dispositions» subjectives de l'agent (qu'elles 3 C'est en effet bien plutôt l'usage du terme de Gesinnung que l'usage hégélien du terme d'«habitus» qui peut être désigné par là : Hegel n'emploie pas le mot «habitus» selon cette acception et il est d'ailleurs absent des Principes de la philosophie du droit. Il se trouve, entre autres, dans la Philosophie de la nature, mais il a alors plutôt le sens de «complexion», ingenium spinoziste (voir, par exemple, Enz. 2, § 368A, p. 500; ESP 2, p. 323). 4 CD, p. 23.
rapide parcours des Principes de la Philosophie du Droit ou de la théorie de l'esprit objectif de l'Encyclopédie montre que le vocabulaire de la justice (gerecht / ungerecht, Gerechtigkeit) y est utilisé de manière parcimonieuse : une quinzaine d'occurrences, la plupart d'entre elles étant concentrées dans la dernière section de la première partie, Das Unrecht, terme qu'il est malencontreux de traduire, comme on le fait parfois, par « injustice » ; je préfère pour ma part, pour des raisons qui vont apparaître, « déni » ou « violation du droit ». On peut dire, en première approche, que la question de la justice (ou, réciproquement, celle de l'injustice) émerge à l'occasion de l'examen des formes de violation du droit, et plus particulièrement à propos de la plus grave d'entre elles, le crime (das Verbrechen). Il y a bien quelques autres occurrences de ce vocabulaire dans la Philosophie du Droit, mais elles sont rares ; de surcroît, les plus significatives d'entre elles concernent de nouveau la question des modalités de rétablissement du droit, envisagées cette fois non plus abstraitement ou « en soi », mais dans le cadre de l'examen du fonctionnement de l'institution judiciaire au sein de la société civile et de l'Etat (section « L'administration du droit » : § § 209-229).