Auteures francophones et parole littéraire. Tension de l’écriture, écriture de la tension (original) (raw)
Depuis la parution en 2007 de l’article du Monde « pour une “littérature-monde” en français », de nombreux travaux en littérature ont permis de mettre au jour les similitudes entre la situation des anciens colonisés et des femmes. Les théories postcoloniales et les théories féministes nous amènent à envisager le texte littéraire comme un espace de construction d’identités plurielles, avec en premier soubassement la langue d’expression. Cette dernière, dans un corpus constitué d’auteures de langue française, recèle d’une double étrangeté. Que ce soit Assia Djebar , Anne Hébert ou encore Alice Rivaz , toutes trois auteures écrivant hors de France, elles ont exclusivement rédigé en français leurs œuvres littéraires, dans lesquelles elles rendent compte des tensions qu’implique un tel choix. Si d’une façon générale, les œuvres francophones déconstruisent l’illusion d’une stabilité de l’identité, ces auteures travaillent non seulement leur langue d’écriture afin qu’elle soit à même de signifier des identités composites, mais l’inscrivent également comme topos littéraire. De même, les courants féministes dans la lignée d’Annie Leclerc et Luce Irigaray insistent sur l’existence d’un usage féminin de la langue qui serait capable d’inscrire le genre féminin dans les textes. Ainsi, de cette double marginalité que constituent être francophone et être femme se pose la question de l’inscription littéraire d’identités dites périphériques, qui fait du texte un espace porteur d’un tiraillement identitaire et générateur de l’expression d’un vécu. Après avoir analysé les enjeux de l’écriture, soulignés par les auteures elle-même, notre étude s’attachera à montrer comment l’usage de la langue littéraire d’expression se définit dans leurs œuvres comme étant, simultanément, langue de la libération féminine et langue marâtre . Il s’agit pour nos trois auteures d’interroger la création au féminin, et ce aussi bien au niveau thématique que narratif.