Normalisation langagière et « assujettissement joyeux » au travail (original) (raw)

Le renouvellement du discours managérial, dans les années 1980, coïncide avec la consolidation des positions du capitalisme néolibéral. Sur le modèle du management participatif, on donne alors une place centrale à la communication entrepreneuriale. Une littérature spécialisée apparaît, destinée à qui voudrait maîtriser la langue de l’entreprise, (top-) managers, étudiants ou demandeurs d’emploi. Ces manuels sont le pendant d’une littérature managériale dont le développement est exponentiel. Leur contenu donne accès aux pratiques langagières qui seraient les seules valables économiquement, et présentant une utilité dans le sens où elles amélioreraient la productivité. Elles doivent aussi permettre de rendre les acteurs employables, et faire en sorte que leurs comportements langagiers soient en parfaite adéquation avec les attentes du marché de l’emploi et les besoins des entreprises. Nous voulons discuter, à partir d’un large corpus de manuels de communication publiés dans les années 2000-2010, des types de productions langagières ainsi valorisées. Nous étudierons, donc, des idéaux-types, et non pas des productions langagières authentiques. Les prescriptions contenues dans ces ouvrages semblent toutes tendre vers l’intériorisation du désir patronal. Cela nécessite un consensus généralisé, non pas par pure coercition, mais grâce à un assujettissement par des affects positifs, comme l’autonomie, l’estime de soi ou l’émancipation, dans le but de maximiser la productivité, en faisant en sorte que la contrainte soit intériorisée.