QUE PEUT APPORTER LA SOCIOLOGIE DES CONTROVERSES SCIENTIFIQUES A L’ENSEIGNEMENT DES CONTROVERSES ? (original) (raw)

Cet article dresse un état des lieux des débats à propos de la sociologie des controverses et propose une grille d'analyse non réductionniste intégrant les courants relativistes et rationalistes. Il expose ensuite sa transposition à un modèle sociodidactique d'enseignement des controverses, et les résultats d'une pré-expérience, menée sur 4 classes de 4° dans un collège français en 2012, et portant sur les controverses climatiques Mots-clés : SOCIOLOGIE ENSEIGNEMENT CONTROVERSES RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE Cet article propose une contribution de la sociologie des controverses scientifiques à l'enseignement des controverses, et poursuivre les travaux inscrits dans un courant d'éducation scientifique visant l'empowerment 1 citoyen. La didactique des controverses se distingue nettement d'un enseignement présentant les sciences comme un corpus de vérités monumentalisées et déconnectées de toute dynamique sociale (Chevallard, 1997 ; Tutiaux-Guillon, 2006). Comme le souligne Virginie Albe : « se pose la question de la formation d'un être complet et pas seulement d'un être cognitif, en dehors du monde ou avec un rapport au monde, qui se développe en dehors de l'école. » (Albe, 2011, p. 114). Ce qui implique que l'incertitude, le probable mais aussi les considérations éthiques, politiques ou idéologiques doivent être pris en compte dans l'enseignement des sciences. Pour autant, le traitement didactique des controverses reste sujet à questionnement pour l'éducation scientifique. De nombreux auteurs estiment que ce traitement suppose de disposer d'un cadre de pensée à la fois didactique et sociologique. Virginie Albe (2008Albe ( , 2009 tente ainsi d'intégrer la sociologie des controverses de Latour 2 , dans son projet d'éducation scientifique citoyenne. Sur la base des travaux du sociologue, elle propose d'utiliser une cartographie des controverses (Venturini, 2010) comme outil pédagogique. Elle précise que l'intérêt didactique de cette approche réside « dans une prise de conscience par les élèves du système de valeurs qui parcourt différentes orientations ou options » (Albe, 2008, p. 65). Dans la continuité des travaux d'Albe (2011), mais inspirée d'un cadrage sociologique différent, la démarche d'enseignement des controverses proposée, vise à faire émerger du débat entre les élèves des oppositions épistémiques, les dimensions sociopolitiques du conflit. Cet enseignement, visant à l'apprentissage de l'esprit critique et l'éducation citoyenne consiste à filmer une « mise en scène » d'une controverse effectuée par les élèves. Suit une analyse des registres argumentatifs produits, par autoconfrontation à la vidéo. L' intérêt d'une telle démarche est aussi de changer la posture de l'enseignant qui dans l'idéal, doit s'effacer autant que faire se peut. Or le cadrage sociodidactique est encore sujet au débat, car la sociologie des controverses est elle-même traversée par plusieurs courants dont la diversité des dénominations, rationalistes, naturalistes, constructivistes, relativistes et la vivacité des débats traduisent encore le manque de stabilité paradigmatique. Plusieurs approches d'un point de vue théoriques et philosophiques s'opposent. Le modèle sociodidactique proposé est issu d'une démarche d'analyse socioépistémique des controverses climatiques tendant à intégrer différentes approches. Aussi dans une première partie je ferai un état des lieux de la sociologie des controverses, et discuterai des avantages et limites des différentes approches, notamment en « démythifiant » l'analyse Pasteur/Pouchet faite par Bruno Latour entachée de lourdes erreurs, et étonnamment encore citée en référence. Dans une deuxième partie, je montrerai comment j'ai construit un modèle sociodidactique d'enseignement des controverses, à partir du constat sociologique opéré. Dans une dernière partie je dresserai le bilan d'une pré-expérimentation faite en France en classe de 4°, d'une approche des controverses climatiques, et discuterai des limites rencontrées et des questions soulevés.