L'axe Nord- Sud et la théorie de la dépendance (original) (raw)

Le lien entre le discours de l'axe Nord -Sud et celui de la théorie de la dépendance est à la fois évident et ambigu. Evident parce que la théorie de la dépendance est née de l'analyse du "développement" en Amérique latine, puis s'est appliquée à l'ensemble du Tiers-Monde. Ambiguë parce que le terme "dépendance" a souffert de sa popularité et a été utilisé à toutes les sauces, si bien qu'il y a un flou autour du cadre théorique de la dépendance. Plusieurs chercheurs latino-américains ont travaillé sur la théorie de la dépendance; principalement Raul Prebish, économiste argentin qui a énoncé les prémisses de la théorie, secrétaire général de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine, ONU), puis de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Pour Prebish, «le développement passe par la remise en cause de trois pouvoirs: l'État, le marché et la technostructure (concept développé par Galbraith) qui sont source d'inégalités». Il faut aussi mentionner l'apport volumineux des textes de Fernando Henrique Cardoso, sociologue marxiste brésilien, Président de 1974 à 2000. Sous ses deux mandats présidentiels, le Brésil a connu une transformation économique majeure. Cardoso développera un anti-impérialisme nationaliste par la "substitution d'importations". Enfin, dans cette présentation, je me réfère aux textes critiques du politologue brésilien Antonio Carlos Peixoto, du sociologue argentin Ronaldo Munck, et de l'économiste brésilien Théotonio dos Santos. Je souligne l'apport des nombreux chercheurs brésiliens à la réflexion sur la théorie de la dépendance afin de relativiser la perception qu'on peut avoir d'un rapport automatique entre "théorie de la dépendance" et "discours marxiste"; car bien que, peut-être, les marxistes aient semblé monopoliser l'idée, et que dans l'ensemble elle s'inscrive dans une idéologie de gauche, basée sur la résistance à l'impérialisme capitaliste, les modes de production et la lutte des classes (lire Ronaldo Munck), elle a aussi produit un nationalisme économique capitaliste dont le Brésil est le meilleur exemple. Je parlais tout à l'heure de l'ambiguïté autour du cadre théorique de la dépendance. Le problème vient de l'éclatement multidimensionnel des sous-applications de la dépendance dans les nombreuses études, et de l'absence d'étude empirique globale qui permettrait de valider la théorie. Cet éclatement a« empêché la formation d'un corpus théorique homogène. Or il ne suffit pas d'employer le concept de dépendance pour donner à une étude un statut théorique rigoureux et sans équivoque »(Antonio Carlos