La traduction juridique du conflit entre l'homme et l'animal nuisible dans les Consilia de Barthélémy de Chasseneuz (XVI e siècle), Revue Semestrielle de Droit Animalier (RSDA), 2012/1, p. 391-416 (original) (raw)

« Taupes et mulots, sors de mon clos, ou je te casse les os ; Barbassione ! Si tu viens dans mon clos, je te brûle la barbe jusqu'aux os. » (Chant populaire, vestige d'anciennes imprécations, cité par J. Desnoyers, Recherches sur la coutume d'exorciser et d'excommunier les insectes, p. 7) « Je vous ai conféré le pouvoir de piétiner les serpents, les scorpions et toute la puissance de l'ennemi. Rien ne pourra vous nuire » (Lc 10,19) Barthélémy de Chasseneuz 1 , juriste du XVI e siècle, consacre les premières pages de ses Consilia 2 à la question de « l'excommunication des insectes 3 ». La consultation, longue d'une vingtaine de folios, obéit aux règles du genre : enchaînements d'arguments pro et contra, opinions de l'auteur égrenées tout au long du développement, multiplicité des autorités 4 , raisonnements à tiroirs qui visent à traiter tous les points susceptibles d'être soulevés, en droit – à la fois en théorie et en pratique – par la question posée 5. Autant dire que la lecture de la consultation nous entraîne parfois loin du champ et des ravages des animaux nuisibles 6 , dans des méandres juridiques, théologiques, historiques, voire philosophiques ou zoologiques, qui attirent notre attention sur la complexité du sujet. A partir des lumières et jusqu'au XIXe siècle, les procès d'animaux ont constitué un poncif visant à disqualifier une justice médiévale imbue de superstition 7, tout au moins contraire à la raison et à la foi8. C'est pourtant la foi, la raison – plus exactement la raison juridique – et le pragmatisme qui fondent le raisonnement de Chasseneuz. Si les arguments sont parfois contradictoires, au moins ne sont-ils jamais dénués de logique.