Entre critiques et résistances aux critiques, la mise à l’épreuve de l’institutionnalisation des énoncés de politiques publiques (original) (raw)

Comme l'explique le texte de présentation du séminaire, les travaux de la sociologie pragmatique se sont d'abord concentrés sur « l'étude des procédés par lesquels les acteurs font surgir de nouvelles causes » à partir d'un regard porté sur la trajectoire de ces causes, sur les épreuves multiples qu'elles rencontrent et sur les conditions qui rendent possible leur surgissement dans l'espace public. Ce regard porté par les sociologues pragmatiques sur la trajectoire des problèmes et des causes et sur les scènes qui rendent possible son ascension a souvent laissé dans la pénombre une scène pourtant essentielle, celle de l'action publique, c'est-à-dire celle(s) où s'élaborent et se discutent les positions et les propositions des pouvoirs publics, celles où se façonnent les lois, les décrets, les budgets, les circulaires et plus largement les actions que portent les gouvernements, les ministères, les mairies, ce que l'on appelle le système politico-bureaucratique. Dans les travaux de Gusfield par exemple, auteur qui fait souvent référence pour les sociologues des problèmes publics, la production des solutions est une activité secondaire soumise à la tutelle des opérations de définition et de cadrage des problèmes. Dans l'ouvrage récent d'Erik Neveu sur la sociologie politique des problèmes publics, bien que soulignant à juste titre l'asymétrie de traitement chez les auteurs s'intéressant aux politiques publiques entre traitement des problèmes et analyse des politiques publiques, il ne consacre lui-même qu'un seul chapitre sur les sept à cette question des politiques. A l'inverse, les travaux sur les politiques publiques ont de leur côté toujours assujettis la question des problèmes à celle des politiques publiques, en en faisant une catégorie plutôt secondaire au regard des processus qui assurent la stabilité et l'institutionnalisation des politiques publiques ou leur faible capacité à se réformer et à changer. Au mieux, ce que l'on nomme dans une mauvaise traduction la mise à l'agenda des problèmes est observé comme un élément perturbateur qui vient de temps en temps bousculé le long fleuve tranquille des politiques publiques. Dans cette sous-discipline de la science politique, le plus surprenant est d'ailleurs moins cet assujettissement qui trouve son explication dans la focale choisie, que le traitement épistémologique différencié que la plupart de ces travaux exercent lorsqu'ils s'intéressent d'un côté à l'émergence des problèmes dont ils interrogent le travail de définition et de propagation, inspiré par la sociologie des problèmes, n'oublions pas que l'analyse des politiques publiques est née à l'Université de Chicago dans ce que l'on a appelé l'école de