Science et télévision: la vulgarisation comme construction historique et sociale (original) (raw)
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La médiation scientifique et technique entre vulgarisation et espace public
Quaderni, 2001
Mots clefs : vulgarisation, communication scientifique, espace public, controverses environnementales, musée de sciences, musées d'histoire naturelle, muséologie. Résumé Nous utilisons le paradigme d'espace public pour développer un point de vue l'historique sur les questions de vulgarisation et de communication scientifique, pour en cerner les enjeux, puis d'ouvrir des pistes d'évolution possible aux musées et autres lieux de communication scientifique et technique. L'expression " vulgarisation de la science " apparaît au XIXe siècle pour désigner le fait de diffuser les connaissances savantes en les mettant à la portée du grand public. Le terme vulgaire, du latin vulgus, concernait jusque-là la foule, qualifiant ce qui est ordinaire, général et commun ; il prend sa tournure péjorative au fur et à mesure que s'affirment les valeurs bourgeoises, pour désigner en contre point les comportements populaires 2. Dans le même temps, la vulgarisation se substitue progressivement à l'expression de " familiarisation de la science " qui datait, elle, du début du siècle des lumières 3. Aujourd'hui on préfère parler de " communication scientifique et technique ". Entre ces trois termes se devinent différents rapports que les profanes, le peuple, la société civile peuvent nouer avec la science et la technique. Au risque de quelques simplifications et sans prétendre à l'exhaustivité d'un travail d'historien, le paradigme d'espace public nous permettra, et de développer un point de vue l'historique sur ces questions et de cerner les enjeux qu'elles recouvrent, puis d'ouvrir des pistes d'évolution possible aux musées et autres lieux de communication scientifique et technique.
L'histoire télévisée entre culture et science
Hermès, 1997
recherche sur l'histoire à la télévision 1 , cet objet spécifique constitué par la rencontre entre une discipline ancienne et une technique moderne, s'est posée de manière centrale la question de la nature de cette histoire métissée que propose la télévision depuis 40 ans. Quelles ont été les conséquences sur l'histoire, de son passage par le média ? L'objectif de l'histoire depuis un siècle d'être partie intégrante de ces sciences dites humaines ou sociales a été constamment entravé par une longue et ancienne proximité avec la littérature et le récit. Or, cette proximité est particulièrement frappante à la télévision française qui n'a cessé de mélanger avec une apparente candeur les exposés érudits de professeurs du Collège de France, Georges Duby et Fernand Braudel par exemple, avec les exploits de héros imaginés comme Thierry la Fronde, faisant également alterner les documentaires les plus rigoureux et des feuilletons totalement fantaisistes. Dans l'esprit des téléspectateurs, nul doute que toutes ces émissions traitant du passé sont également de l'histoire. Pierre Bourdieu récemment s'inquiétait des menaces que faisait peser l'histoire médiatisée sur une « histoire pure » (1997). Une histoire pure serait pour lui une histoire-science qui s'opposerait ici à une histoire destinée au grand public de Y audimat, une histoire qui fait de l'audience, qui a du succès. Mais est-il légitime de parler en termes de menaces à propos de la coexistence, permise par la télévision, des deux types d'histoire ? En 1980 au cours d'un colloque organisé à l'initiative d'Alain Decaux sur la question de l'enseignement de l'histoire, les meilleurs historiens universitaires s'étaient rendus à l'invitation de l'homme des médias. Jean-Pierre Rioux (1979) s'était émerveillé déjà l'année précédente d'un « étrange chassé-croisé » en cette année 1979 où « Alain Decaux est entré à l'Académie et les papes de la « nouvelle Histoire » se sont laissés introniser sur le plateau ¿'Apostrophes ». Mais cette rencontre de 1980 entre les savants et l'homme qui incarne l'histoire télévisée, rencontre
Critique des sciences et origine des études sur la vulgarisation. Une piste généalogique (1966-1977)
actes numériques du 16e Congrès de la Société Française des Sciences de l'Information et de la Communication, 2008
Les études sur la vulgarisation et la transmission des savoirs forment une part importante du champ des sciences de l'information et de la communication. Il semble donc nécessaire de revenir sur la constitution de ce domaine dans le cadre d'une réflexion historique sur l'institutionnalisation cognitive et sociale des SIC. La nécessité d'un tel effort généalogique est d'autant plus grande que les données historiques sur le champ des études sur la vulgarisation sont rares et plutôt schématiques. En particulier, les textes retraçant l'histoire de la réflexion au sujet de la vulgarisation et de la communication scientifique accordent peu d'intérêt au contexte historique des années 1960-70, pourtant essentiel (Schiele, Jacobi, 1988 ; Jeanneret, 1994 ; Babou, 1999, partie 1, chapitre 2). L'évolution du champ dans ces années est alors résumée de la façon suivante : « Le troisième homme », article classique d'Abraham Moles et Jean Oulif (Moles, Oulif, 1967), est souvent considéré comme le premier texte important sur la vulgarisation, qu'il présente comme un outil nécessaire pour combler le fossé existant entre les scientifiques et la société. Suivent alors les travaux de Baudouin Jurdant et Philippe Roqueplo , qui s'opposent à la vision « naïve » de la vulgarisation, et insistent sur la dimension mystificatrice de cette dernière, son rôle idéologique de séparation des pôles science/société. Puis ces deux positions antithétiques seraient également rejetées par les travaux des années 1980, et l'idée d'un continuum ou d'une socio-diffusion des savoirs (Cloître, Shinn, 1985 ;. Le geste épistémologique et historiographique se fait schématisation intellectuelle, présentant les études sur la vulgarisation selon une logique dialectique 1 . Cette schématisation est d'une grande utilité, car elle permet de distribuer des positions dans l'espace de la réflexion, mais elle présente des limites. Elle laisse en particulier de côté le rapport entre pratiques et analyse théorique de la vulgarisation : d'un côté les discours « sur », qui se confrontent à coups de « traduction / trahison / continuum », et de l'autre côté les pratiques, auxquelles on fait grâce de leur réflexivité. Tenir compte du contexte historique de ces années, et en particulier du mouvement de contestation original qui affecte le champ scientifique, doit permettre d'éclairicir cette relation singulière entre pratique et critique. Si nous proposons donc de revenir plus en détail sur les années 1960-70 et sur la critique des sciences, pour analyser la construction du discours d'analyse de la vulgarisation, ce n'est pas seulement pour satisfaire un désir de précision historique. Au moins deux raisons nous incitent à travailler cette période. La première est d'ordre épistémologique et concerne directement le domaine de la réflexion sur la vulgarisation. Montrer les liens étroits entre critique des sciences, pratiques de la vulgarisation et réflexion universitaire doit en effet nous conduire à élaborer une conception quelque peu différente des études sur la vulgarisation, et à renouveler certaines interrogations. On insistera ici sur le fait que les deux paradigmes de la traduction et de la trahison, en pratique, ne se réduisent pas à une conception unidirectionnelle et fonctionnaliste de la communication (Babou, 1999). La confrontation de ces deux thèmes dans le discours de critique des sciences fait émerger au contraire des interrogations cruciales sur les médiations du savoir scientifique. 1 Il serait toutefois injuste de réduire les travaux de Schiele, Jacobi, Jeanneret et Babou à cette approche dialectique. Jeanneret notamment revient sur la construction problématique du rapport à la transmission du savoir à partir de Roqueplo, dans .
2001
La vulgarisation est aujourd’hui un objet d’étude classique pour les sciences de la communication. C’est à Moles et Oulif que l’on doit une première théorisation de la fonction sociale de la vulgarisation en termes de médiation culturelle qui suppose – et milite contre – le morcellement de la société dans ses rapports au savoir scientifique. La description de cette fonction sociale repose sur l’hypothèse d’un « troisième homme », le vulgarisateur, sur lequel reposerait l’entière responsabilité d’une traduction des savoirs scientifiques. Jacobi a remis en cause ce modèle en décrivant un processus plus large de socio-diffusion des savoirs. Des visions nettement plus critiques se sont développées autour d’auteurs comme Jurdant et Roqueplo, puis Allemand. C’est le paradigme de la trahison : la fonction sociale des médias serait d’opérer une gestion de l’opinion publique au profit de la technostructure. Quittant le cadre du fonctionnalisme sociologique pour celui de l’analyse de discours, c’est une vision encore différente qui s’impose avec une étude sur la vulgarisation à la télévision réalisée par Fouquier et Veron. Les principales questions que pose l’analyse de discours aux médias peuvent être formulées ainsi : comment les « textes » médiatiques sont-ils produits ? Quelles sont les régularités qui en émergent ? Comment ces régularités peuvent-elles être expliquées non pas à partir de la structure interne d’un corpus mais en analysant ses conditions socioculturelles de production ou de reconnaissance ?
Science, télévision et rationalité
Communication et langages, 2001
La télévision participe à un processus de circulation sociale des connaissances scientifiques dont les enjeux sont souvent appréhendés en termes quantitatifs : il suffirait que la télévision diffuse « plus de science » pour permettre au public de mieux comprendre le discours des chercheurs. Cet article va montrer que pour comprendre ce processus et ses enjeux, il importe de complexifier l'étude de la médiatisation des sciences en décrivant le « langage » télévisuel dans lequel cette vulgarisation s'incarne, et les cadres interprétatifs qui permettent d'appréhender la science à travers un imaginaire et des valeurs. Au-delà de la représentation et de la mise en circulation de connaissances, la vulgarisation témoigne en effet des enjeux sociaux de la rationalité scientifique. L'étude des métaphores constitue un analyseur de choix pour repérer des représentations et des enjeux dans les discours sociaux. C'est par cette méthode que l'on étudiera les relations entre les formes du discours télévisuel de vulgarisation et les représentations sociales de la science qui s'y articulent.
COMMUNICATION-SAINTE FOY THEN QUEBEC-, 2005
Comment deux médias aussi différents que l'exposition et la télévision traitent-ils d'une même thématique scientifique, la radioactivité ? Des effets de cadres (idéologiques, institutionnels, structurels) organisent-ils des représentations différentes de cette thématique ? Pour répondre à ces questions, nous avons mis en œuvre une analyse comparative, en profitant de la conjonction de deux commémorations liées au thème de la radioactivité, avec le dixième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl et le centième anniversaire de la découverte de la radioactivité. Ces deux événements définissent en effet, de 1995 à 1999, le positionnement respectif des deux médias par rapport au thème. Tout se passe comme si, dans les deux cas, le média « utilisait » la commémoration pour faire fonctionner son mode de légitimation privilégié, le mettre à l'épreuve, le rendre visible à tous comme mode d'emploi. Cette analyse montre à quel point le traitement médiatique d'un même thème dépend de conceptions du rapport entre sciences, médias et société qui ne vont pas de soi et qu'il s'agit ici de décrire avec précision et sur des bases empiriques. Les résultats de cette étude, encore partiels, nous engagent sur la piste d'un renouvellement des réflexions sur les méthodologies comparatives ainsi que sur les formes et enjeux du débat public.