Max Raphael : le spectateur naufragé (original) (raw)
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Max Raphael : théorie de la création et production visuelle
Revue germanique internationale, 1994
Adorno écrit dans son essai sur Les écarts de Valéry (1960) : « La faculté de voir les oeuvres d'art de l'intérieur, dans la logique de leur production-l'accord de la réalisation et de la réflexion, qui ne se retranche pas derrière la naïveté ni ne dissout hâtivement les déterminations concrètes dans le concept général-est sans doute la seule forme d'esthétique possible aujourd'hui. » 1 Cette phrase pourrait figurer en exergue de l'oeuvre abondante et diverse-accessible depuis maintenant quelques années dans une édition qui est pourtant loin d'être complète 2-de ce grand intellectuel impossible à classer que fut Max Raphael. Dans le contexte de la République de Weimar, son nom apparaît dans des domaines fort différents et sous de multiples éclairages : l'esthétique, la philosophie, l'histoire de l'art, la théorie des arts et la théorie de l'architecture intéressent tour à tour en lui le marxiste, l'idéaliste, le pionnier de la modernité et le critique de la modernité. Ces étiquettes on ne peut plus contradictoires et une réception problématique indiquent déjà suffisamment qu'il s'agit là d'une oeuvre multivoque, exigeant qu'on en aborde les textes avec la même rigueur et la même patience que Raphael lui-même mettait à sonder la peinture classique ou moderne. Cette oeuvre, dans le domaine anglo-saxon, connut très tôt une réception enthousiaste, dans les années 50, puis 70 : John Berger parla du « penseur le plus génial qui se soit jamais consacré au thème Revue germanique internationale, 2/1994, 165 à 178
Le prix de l'éternité. Sur une hypothèse de Max Raphael
Une vertu de la civilisation est de nous épargner les occasions de manifester la sauvagerie intacte de nos instincts. Rares sont désormais les situations dans lesquelles tuer nos semblables pourrait directement augmenter nos propres chances de survie. Mais sommes-nous réellement devenus si humains que nous partagerions, le cas échéant, les ressources ou l'espace disponibles, et renoncerions à nous préférer ? Pourquoi tenir compte du poids mort des vieillards et des nourrissons ? Et ce passager clandestin, qui ne devrait même pas être là ? Sans parler de survie : ne sacrifierions-nous pas encore et toujours Iphigénie à notre gloire ? Femme et enfants à notre réussite professionnelle, voire seulement à l'image que nous chérissons de nous-mêmes ? Bien sûr : nous le faisons tous les jours, de même que les passagers clandestins sont tous les jours rejetés à la mer. Mais nous confions à d'autres le soin de délester le radeau. Nous le ferions pour gagner un jour de vie ou un signe de reconnaissance – d'autant plus volontiers pour acquérir l'immortalité. Dans ses études sur l'art paléolithique, Max Raphael identifie une constellation remarquable. Il suppose qu'une grande partie des figures gravées ou peintes dans les cavernes sont étroitement liées aux croyances palingénésiques des hommes préhistoriques. Comme le soleil et la lune, comme la nature au printemps, comme le grand ours au sortir de l'hibernation, l'homme meurt et renaît.
La méthode de Raphael : une erreur de Stendhal
Stendhal « romantique » ? Stendhal et les romantismes européens, Grenoble, UGA Éditions , 2019
Au cours des Promenades dans Rome, Stendhal évoque à deux reprises la célèbre phrase de Raphaël à propos des modèles de sa peinture. Il écrit :
L’Orient voilé de Raphaël dans Gil Blas
Tangence, 2001
La géographie romanesque n'y est pas très étendue. Malgré le choix d'un récit de forme picaresque, Lesage n'a pas accordé à son héros les plaisirs et les aventures des voyages fréquents, lointains et mouvementés qu'une Madame d'Aulnoy offrait si généreusement aux personnages de son Hippolyte, comte de Douglas (1690). Gil ne fait pas partie des péripéties voyageuses ; il se déplace beaucoup, mais voyage peu, ne traverse aucune frontière, à l'inverse des personnages qu'il rencontre ou dont on lui parle. Ceux-ci sont amenés à mettre le pied au Maroc (Fez) 1 , en Pologne où don Pompeyo, engagé à Varsovie dans l'armée nationale, mène une guerre contre les Turcs (GB, III, 9, p. 166), aux Pays-Bas où don Alphonse part servir (GB, IV, 10, p. 261), en Italie où se rend Raphaël, en Sicile où débarque Lucinde et où vit Blanche (GB, IV, 4). Laure évoque un départ de comédiens pour la Nouvelle-Espagne (GB, III, 10, p. 181) ; en outre, des allusions au Maroc et à Carthage affleurent grâce aux tragédies composées par Thomas de la Fuente (GB, II, 9, p. 128) ou aux nouveautés théâtrales mises en scène par des comédiens (GB, III, 6, p.163). Enfin, une invention mensongère de Raphaël fait allusion à des Suisses et à la Savoie (GB, IV, 1, p. 289). Une telle géographie exclut les références romanesques aux îles féeriques de la Félicité 2 ou autre Arcadie de l'âge d'or ; toutefois, en ne sélectionnant que des pays ou des villes réels, Lesage ne suggère pas qu'il souhaite ancrer ses récits dans des territoires dotés d'une consistance géographique 3. Au contraire, il joue sur leurs signes par plusieurs