Les racines de l'Etat islamique. Entretien avec Loulouwa Al Rachid & Matthieu Rey (original) (raw)
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Entretien avec Loulouwa AL RACHID & Matthieu REY
L'État islamique (EI) n'est pas né miraculeusement à l'été 2014. Il est enraciné dans l'histoire mêlée de l'Irak et de la Syrie de ces vingt dernières années. Loulouwa Al Rachid et Matthieu Rey démêlent cet héritage complexe de l'EI, à la fois legs de l'autoritarisme baasiste et de l'intervention américaine en Irak. La Vie des Idées : Pourquoi est-il nécessaire de revenir à l'histoire de la Syrie et de l'Irak de ces vingt dernières années pour comprendre l'État islamique (EI) ? Loulouwa Al Rachid : Quand on parle de l'EI, on fait mine de croire à une naissance miraculeuse, comme si cet « État » auto-proclamé était né à l'été 2014 avec la prise de Mossoul, la deuxième plus grande ville d'Irak et qu'il suffisait de quelques centaines de combattants circulant dans des pickup pour fonder une organisation terroriste puissante. Or l'EI n'est pas le fruit d'une naissance miraculeuse mais résulte plutôt d'un déni de grossesse : les symptômes étaient là depuis longtemps sur le terrain irakien. L'année 2003 a constitué à cet égard un tournant décisif : elle a installé la matrice jihadiste de type Al-Qaida au coeur du Levant. C'est l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, suivie d'une occupation militaire qui a donné au phénomène jihadiste un nouvel essor dans notre voisinage méditerranéen. Parmi les groupes ayant tout de suite pris les armes contre l'armée américaine et ses auxiliaires irakiens, il y avait une composante « étrangère » rapatriée d'Afghanistan et d'autres terrains du jihad, le Caucase notamment. Et sur cette matrice-là se sont greffés des groupuscules armés irakiens, qui s'inscrivaient d'abord dans une posture « nationaliste » de lutte contre l'occupation étrangère. Ces groupuscules formés par des anciens du régime de Saddam Hussein se sont par la suite dissous dans la nébuleuse jihadiste, contribuant ainsi à la professionnaliser et à lui insuffler un moteur supplémentaire, celui de haine des chiites ; l'armée américaine a cru avoir éradiqué ces jihadistes en 2007-2009 en s'appuyant sur les tribus locales qu'elle a armées et financées pour pacifier les régions sunnites d'Irak. Or ces groupuscules jihadistes n'ont jamais véritablement disparu depuis 2003 : ils se sont tantôt fondus dans une population sunnite qui supportait mal les pratiques, souvent discriminatoires, du nouveau pouvoir central chiite, tantôt repliés dans les zones désertiques ou montagneuses de l'ouest et du nord de l'Irak. Ils ont surtout trouvé refuge en Syrie, profitant d'un espace frontalier entre les deux pays devenu largement ouvert et poreux depuis le début des années 1990. En effet, le régime de Saddam Hussein, très affaibli par les sanctions internationales imposées par les Nations unies, avait partiellement perdu le contrôle de son territoire et de ses frontières, laissant se développer avec la Syrie une importante
Aux origines de l'Etat islamique
L'État islamique est-il un État, comme il le revendique ? Ou désigne-t-il une nouvelle forme de souveraineté de type impérial ? Matthieu Rey en retrace l'histoire en Syrie et en Irak, depuis la domination coloniale européenne et les deux guerres du Golfe.
Le nationalisme arabe, l'islamisme et l'Occident : entrevue avec Rachad Antonius
, historien et chercheur associé au Groupe de Recherche sur l'Islamophobie et le Fondamentalisme de l'UQÀM Dans le cadre des conférences-midi organisées par le Groupe de Recherche sur l'Islamophobie, la Radicalisation et le Fondamentalisme, au sein de la Chaire UNESCO sur les fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique, nous sommes allés écouter M. Rachad Antonius, sociologue à l'UQÀM, dans le cadre d'une conférence intitulée « Radicalisation et islamophobie : le débat est mal parti ». Chercheur au Centre de Recherche en Immigration, Ethnicité et Citoyenneté, Rachad Antonius effectue des recherches tant sur les processus d'intégration des minorités arabes et musulmanes au Canada et au Québec que sur les conflits politiques au Proche-Orient. Attentifs à la dimension historique de son argumentation, nous avons voulu nous entretenir avec lui sur ce thème. Le texte qui suit est le fruit d'un entretien d'une heure, retranscrit à l'écrit, puis révisé par les deux parties pour s'assurer de la précision des énoncés. Bernard Ducharme : Monsieur Antonius, vous êtes sociologue à l'UQÀM, vous travaillez sur les questions liées à la géopolitique au Moyen-Orient et à l'émergence des mouvements de l'Islam politique. Après vous avoir vu en conférence, je voudrais revenir, pour HistoireEngagee.ca, sur les aspects les plus historiques de votre réflexion. Pour contextualiser votre réflexion, vous dites que les mouvements de gauche devraient développer une réflexion sur une opposition à l'islamisme ? Rachad Antonius : Cela s'applique surtout aux mouvements de gauche européens ou occidentaux, parce que les mouvements de gauche arabes ont une réflexion très développée là-dessus. : ils n'hésitent pas à condamner. Et à analyser, pas juste à condamner : à analyser et à se positionner. Le problème avec une partie-je dis bien une partie-de la gauche, disons une partie du mouvement progressiste-parce que le mot « gauche », déjà, pose beaucoup de problèmes-, c'est la difficulté à se positionner clairement par rapport à l'islamisme pour deux raisons. La première est une raison vraiment historique : l'islamisme a été une réponse au colonialisme. Il a été une des réponses au colonialisme, devenant du coup une idéologie de résistance. Pas la seule, et en fait, une réponse au colonialisme qui a été aussi encouragée par les puissances coloniales. Ça, c'est un élément. Et l'autre élément, c'est qu'il existe un courant xénophobe, raciste, en Occident, qui est très hostile à tout ce qui se rapporte à l'islam et qui est devenu de plus en plus hostile au fur et à mesure que les mouvements islamistes ont émergé et se sont affirmés. Par conséquent, toute critique de ces mouvements devient récupérable et instrumentalisable par les mouvements de droite. C'est pourquoi une partie de la gauche, ou des mouvements progressistes, est convaincue que toute critique de
L'Arabie saoudite et les racines du djihad planétaire
Outre-Terre, 2006
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L'Arabie saoudite, la 'mère' de l'organisation de l'État islamique? (2017e)
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La guerre en Syrie et la bataille d'Alep terrorisme Sociologie militaire des djihadistes énergie La Russie et le nucléaire au Moyen-Orient salafisme UN ISLAM MONDIALISÉ ? g é o p o l i t i q u e , g é o é c o n o m i e , g é o s t r at é g i e e t s o c i é t é s d u m o n d e a r a b om u s u l m a n 6 Actualités -Agenda -« Islam(s) », par Olivier Roy 9 Dessins pour la paix
L'État islamique, entre tradition réinventée et utopie politico-religieuse
Religions: A Scholarly Journal, 2016
Abstract. In 2014, many saw in the establishment of the Islamic State over parts of Iraq and Syria and in the subsequent "restoration" of the Caliphate by Emir Abou Bakr al-Baghdadi a "return" to the foundations of Islam as well as the fulfilment of the dream of an Islamic "renewal". The Islamic State was thus depicted by its supporters as a political entity that was supposed to have existed since the beginning of Islamic political history and as being an intrinsic part of traditional Islamic jurisprudence. In fact, however, the Islamic State belongs largely to an "invented tradition" and is better interpreted as a politico-religious utopia, with little connection to the past.
Dans le cadre d'un dossier thématique sur l'après "printemps arabe", l'équipe des Cahiers de l'Islam est allée à la rencontre de Cédric Baylocq, anthropologue, post doctorant au Centre Jacques Berque à Rabat. En tant que spécialiste des mouvements politico religieux musulmans, de l'autorité religieuse en islam, il a travaillé également sur l'islam de France, il nous apporte sa vision d'anthropologue, permettant ainsi de donner au lectorat une grille de lecture transversale sur les récents évènements qui ont eu lieu dans le monde arabe.