L'éthique du Pardon chez Paul Ricœur (original) (raw)
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Ricœur et la pensée allemande. De Kant à Dilthey, sous la direction de Gilles Marmasse et Roberta Picardi, CNRS Éditions, 2019
l’article de Roberta Picardi explore et analyse le réinvestissement par Ricœur – au sein de sa propre herméneutique phénoménologique – d’une des figures clés de la Phénoménologie de l’Esprit hégélienne : à savoir, la dialectique du mal et de son pardon. Cette figure fait l’objet d’un intérêt précoce et constant de Ricœur qui, depuis l’époque de la Symbolique du mal, y trouve une nourriture pour ses réflexions sur les « limites » de la « vision morale » (d’inspiration kantienne) du monde et du mal. Il s’agit d’une nourriture qui lui apparaît tout d’abord attirante mais inévitablement empoisonnée, en tant qu’expression paradigmatique d’une tentation spéculative d’intelligibilité totale, aboutissant à une perte du sens véhiculé par les symboles religieux et notamment par le symbole paulinien du péché et de la justification. Ensuite, en correspondance avec l’inflexion de sa philosophie vers une herméneutique de l’action, Ricœur offre une nouvelle lecture de cette figure, qui accompagne et inspire sa réflexion sur le « tragique de l’action », et donc sur la tension entre normes morales universelles, contextes éthiques et conviction singulière, aussi bien que sur les différentes formes de « pardon difficile ». En explorant les raisons et la portée de ce renversement, l’article vise à apporter une lumière nouvelle sur la manière dont Ricœur articule moralité, éthicité et discours religieux dans les différentes phases de sa pensée.
Paul Ricœur, ou la religion sous epokhê
Alter, 2020
Dans Du texte à l'action, Paul Ricoeur avait caractérisé de façon précise son ancrage dans la tradition philosophique en le situant « dans la ligne d'une philosophie réflexive […] », et plus particulièrement dans la mouvance de la phénoménologie husserlienne » dont sa propre philosophie constituait à ses yeux une « variante herméneutique » 1. Le rapport à la phénoménologie de Husserl remonte aux origines même de son oeuvre, puisque Le Volontaire et l'Involontaire-sa thèse de doctorat soutenue en 1948 et parue en 1950cherchait déjà à honorer une triple fidélité à Edmund Husserl, à Gabriel Marcel et à Karl Jaspers. Ricoeur se réclamait du premier pour son exigence de rigueur méthodologique, et devait aux deux autres de situer toute pensée de l'existence en face de la Transcendance. Désireux de faire converger ces trois influences disparates, le jeune philosophe s'efforçait d'élaborer une philosophie existentielle aimantée par une Transcendance qui d'emblée nécessitait d'être mise entre parenthèses pour des questions de méthode. Or les Ideen de Husserl (que Ricoeur a traduites au titre de thèse secondaire) lui fournissaient le modèle d'une telle epokhê, désignée précisément par Husserl comme une « mise "entre parenthèses" ou hors circuit » [Einklammerung, Ausschaltung] : Par rapport à chaque thèse nous pouvons, avec une entière liberté, opérer cette ἐποχή originale, c'est-à-dire une certaine suspension du jugement qui se compose avec une persuasion de la vérité qui demeure inébranlée […] La « thèse » est « mise hors de jeu », entre parenthèses : elle se convertit dans la forme modifiée : « thèse entre parenthèses » 2. 2 On sait que cette réduction phénoménologique devait permettre de suspendre l'attitude naturelle caractérisée par la croyance (au sens général d'un tenir-pour-vrai) en l'extériorité des choses, ce qui est le seul moyen pour la conscience de découvrir son pouvoir constituant à l'égard des phénomènes ; l'étude phénoménologique ayant ensuite pour tâche de faire le tour des possibilités de donations du phénomène, selon la méthode de la variation éidétique 3. Husserl lui-même avait étendu l'epokhê à Dieu : dans le paragraphe des Ideen intitulé « La Transcendance de Dieu mise hors circuit », il
Paul Ricœur: entre attestation du mal et témoignage de l’espérance
Forum Philosophicum
The aim of this article is to show that the “attestation of evil and testimony of hope” are characterized by the genitive that accompanies them. This places them both, each no less than the other, in two different horizons: while the horizon of attestation is Heideggerian, the horizon of testimony is a legacy of Jean Nabert. Both of these horizons are present in the thought of Ricœur, and characterize the entire spectrum of his work. However, we are not dealing here with a syncretism resulting from the co-presence of a hermeneutic source and of the philosophy of reflection. On the contrary, I attempt to show that the co-presence of attestation and testimony results from the fact that Ricœur never stopped “walking on two legs,” given what he writes in a conversation published in the Critique and Conviction, and that this presence is rooted in Ricœur’s formation, which is at the same time philosophical, literary and biblical, as he never renounced either the former one, or the latter ...
Études Ricoeuriennes / Ricoeur Studies
For Paul Ricœur, human action was a central preoccupation already present in his early work and deepening over time, benefitting from a long engagement with hermeneutical and narrative analyses. It is the concern to locate, through obligatory moral norms, the ethical dimension of desire that guides and motivates action that first makes use of a hermeneutic of signs, symbols, and texts in which the desire of the subject has been expressed. But narratives become essential in order to describe action in such a way that the actor’s responsibility can be evaluated at the level of his narrative identity. To this responsibility, interpreted and taught by means of cultural narratives, the concepts of memory and promise add the dimension of the struggle for recognition and point to an ontology of the historical condition at the foundation of an ethic that rests open to a religious dimension of an original goodness.
L'écrit théologique de jeunesse de Paul Ricœur
Revue des sciences religieuses, 2018
It is not everyday that one can read an important unpublished manuscript of a great philosopher. The recent publication of Paul Ricœur’s early thesis, « The reflective method applied to the problem of God in the work of Lachelier and Lagneau », which Ricœur wrote in 1933-34 when he was only 20 years old, is important for many reasons. 1/ It documents better than was hitherto possible the extent to which Ricœur’s thinking is rooted in the today not very well-known tradition of French reflective philosophy, to which Lachelier and Lagneau belong and in which Ricœur much later steadfastly continued to situate his thinking. 2/ At the same time it documents Ricœur early interest in the question of God and thus of metaphysics. 3/ It shows that Ricœur at a young age was already very critical of the project of reflective philosophy to discover God by entering into the realm of the self-reflection of the ego. His hermeneutical philosophy would later explore other ways of addressing this question.
Paul Ricoeur et l'éthique aristotélicienne
Chapitre VI de L'Ethique et le soi chez Paul Ricoeur. Huit études sur Soi---même comme un autre, P. Canivez et L. Couloubaritsis (Eds), Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, janvier 2013. 9Ibid., note 2, op.cit., p. 206---207. 10 Ibid.
Paul Ricœur et le destin de la phénoménologie
Forum Philosophicum
Every reader of Ricœur knows that hermeneutics endeavors to answer the aporiae of historical phenomenology. Hence arises the need to return to those aporiae and those answers. On the one hand, phenomenology, born with the maxim of going “directly to things themselves,” is confronted with the incessant evasion of the thing itself and with its dreams of presence being thereby shattered. This reversal should not be blamed on the failings of this or that thinker, but attributed to the very destiny of phenomenology itself. On the other hand, Ricœurian hermeneutics takes note of a gap (the very remoteness of the thing itself), and of a necessary return (to the thing of the text). Thus, there is nothing for thought itself to grieve over with respect to this enterprise. However, while the phenomenology of Merleau-Ponty, faced with the same difficulties, orients itself towards political philosophy, the hermeneutics of Ricœur rather seeks to lead us to a philosophy of religion. This article h...
Liminaire. Paul Ricœur : une herméneutique de l’agir humain
Laval théologique et philosophique, 2009
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Le phénomène de l'hésitation selon Paul Ricœur
Revue Philosophique De La France Et De L Etranger, 2011
Le phénomène de l'hésitation. A partir de Ricoeur. "L'illusion n'est pas de chercher le point de départ, mais de le chercher sans présupposition". [1] L'ouvrage de Paul Ricoeur, Le Volontaire et l'Involontaire (Aubier, 1950) constitue le premier volume de sa "Philosophie de la Volonté". L'ambition n'en était rien de moins que d'effectuer un "commentaire de la bipolarité fondamentale de l'existence humaine, à la fois subie et conduite" (p. 144). Il nous paraît intéressant de revenir sur cet ouvrage, que la vogue structuraliste avait mis à l'Index : non leguntur. A l'heure où ceux que Ricoeur lui-même appellera les penseurs du soupçon[2] n'ont plus la même emprise totale sur la pensée, il est peut-être temps de revenir sur certains aspects de cette Le couple classique passif/actif, et donc, en particulier, le couple involontaire/ volontaire, est au coeur du livre, qui vise sans fard à constituer une "philosophie du sujet"[3]. Ricoeur inscrit d'abord sa démarche dans le cadre de la phénoménologie de Husserl, dont il fait paraître la même année sa traduction des Ideen, dans la prestigieuse collection dirigée par Sartre et Merleau-Ponty, chez Gallimard. Mais sa filiation par rapport à Husserl est originale, et il n'hésite pas à tenter de compléter l'approche phénoménologique, ramenée pour l'essentiel à la "réduction éidétique"[4], à quelques éléments de la théorie de la perception (les "profils") et de celle, précieuse, de la "conscience intime du temps", en utilisant librement aussi bien la tradition aristotélico-thomiste[5] que la tradition française (Descartes et Malebranche, mais aussi Pascal, Maine de Biran, Lequier, Bergson, Alain, Nabert). La réduction
Lecture philosophique et lecture théologique de la Bible chez Paul Ricœur
Études Ricoeuriennes / Ricoeur Studies, 2012
Attention to the Bible, though not central, is constant in Paul Ricœur’s work, which features a succession of several approaches. In Symbolique du mal (1960), Ricœur attempts to think on the basis of biblical symbols with a clear philosophical intent that, however, uses a theological scheme (“believe to understand”). In subsequent essays on biblical hermeneutics, such as Herméneutique de l’idée de révélation (1977), Ricœur chooses to distance himself from theological reading in order to enable his philosophical reading to grasp the Bible’s strangeness. Later on, his quasi-private meditations on death and its imaginary (Vivant jusqu’à la mort, 2007) will lead him to explore anew crossroads of philosophical reading and theological reading of the Bible, so as to offer an astonishing and stimulating critique of biblical resurrection accounts.