Un dispositif de communication spectaculaire!: la cérémonie des Oscars. Enjeux sémiotiques, interactionnels et médiologiques (original) (raw)
Acte d'autocélébration de l'industrie du cinéma notamment anglophone, la cérémonie des Oscars est un rituel spectaculaire et médiatisé qui repose sur son organisation hautement contrôlée. S'adressant à deux groupes de spectateurs bien distincts – d'abord ses invités, puis les téléspectateurs et plus récemment les usagers du Web – la cérémonie des Oscars véhicule des imaginaires et des processus d'identification ancrés dans une tradition solide. Cette dernière dépend de la face que les invités de la cérémonie adoptent ainsi que de la déférence qui caractérise l'intégralité de ce rituel médiatique. Cet article analyse le rituel de la cérémonie des Oscars en faisant appel à la sociologie interactionniste d'Erving Goffman et à l'analyse du discours de Patrick Charaudeau. En observant les discours sémiotiques de la cérémonie, cette étude vise à la construction de l'identité sociale de l'ensemble de cet événement. Cette identité est enfin analysée en fonction du dispositif médiatique qui se charge de sa transmission : la télévision et le Web. La cérémonie des Oscars, acte d'autocélébration et de médiatisation de l'industrie cinématographique sera ici abordée comme un dispositif de communication spectaculaire. Ce terme désignera un système de représentation dont les rouages s'organisent autour de la mise en spectacle délibérée visant à susciter, conformément au modèle de la tragédie grecque, le pathos et la catharsis autant chez les destinateurs présents à la cérémonie que chez les téléspectateurs et usagers du Web, assistant à cette dernière au travers donc d'un dispositif médiatique. Dans le cadre de cet article, on se propose d'observer, dans un premier temps, la façon dont la spectacularisation de la cérémonie est sémiotisée. Il s'agira de relever les systèmes sémiotiques saillants qui participent à la mise en sens de la cérémonie et qui s'adressent autant aux spectateurs internes qu'aux spectateurs externes. Dans cette perspective on s'efforcera de montrer comment ces éléments bien qu'organisés en amont de manière à ce qu'aucun accident ne puisse les perturber, sont tout de même dotés de risques liés aux processus de communication se déroulant dans un hic et nunc qui est, rappelons le, hautement médiatisé. Dans un temps second, on insistera sur la façon dont la cérémonie a récemment modifié son dispositif formel impliquant par conséquent de modifications quant à sa mise en sens. Cette transformation dotée donc d'effet de sens sera abordée en tant qu'indice mis en relation avec la visualisation des extraits de la cérémonie dans le Web. Ces deux grands axes analytiques seront illustrés à travers deux séquences issues des cérémonies de 2004 et 2009 et plus précisément des nominations à l'Oscar pour la meilleure interprétation féminine. Un rituel, deux déférences Conformément à la sociologie interactionniste d'Erving Goffman, la cérémonie des Oscars est une activité dont « l'ensemble de signes qu'un groupe social donné emploie à des fins cérémonielles compose l'idiome cérémoniel de ce groupe » (Goffman 1974 : 50). Comme nous l'avons noté ci-dessus, la cérémonie des Oscars s'adresse à deux groupes bien distincts : les membres de l'industrie cinématographique et les téléspectateurs et usagers du Web. Le premier groupe, qui lui-même implique les nominés aux Oscars et les invités à la cérémonie, est doté de la fonction que Goffman nomme déférence, à savoir « un composant symbolique de l'activité humaine dont la fonction est