Pratiques comptables en Grèce hellénistique (original) (raw)

2014, Comptabilités. Revue d’histoire des comptabilités

Les comptes des trésoriers amphictioniques de Delphes entre 337 et 335 av. J.-C., les redditions de comptes de magistrats chargés de l’organisation périodique de concours athlétiques, hippiques ou musicaux en Béotie à la basse époque hellénistique (IIe s. et Ier s. av. J.-C.) et le calcul d’une eisphora à Messène vers le milieu du Ier s. av. J.-C. sont représentatifs des pratiques comptables hellénistiques et donnent à lire, en raccourci, l’histoire monétaire de l’époque hellénistique : à Delphes, entre l’automne 336 et le printemps 335, les Amphictions tentent en vain de remplacer le « vieil étalon éginétique » par le « nouvel amphictionique », avant d’acter la future hégémonie de l’étalon « attique » qu’adoptera Alexandre le Grand pour émettre son grand monnayage ; en Béotie, au IIe s., l’« argent attique », norme de valeur internationale, côtoie l’« argent symmachique », de portée régionale, et le « bronze », de portée locale ; à Messène, probablement dans les années 43–31, l’étalon du « denier » supplante l’étalon attique et intègre la drachme légère (2,90 g) pour la valeur de trois quarts de denier romain (12 asses) plutôt que deux tiers de drachme attique (4 oboles). En général, les comptabilités hellénistiques sont très rigoureuses, malgré le manque d’exhaustivité et de précision de certains documents, en particulier dans la notation du solde positif ou négatif de l’exercice comptable. Par ailleurs, les comptables montrent leur capacité à dépasser la logique de caissiers en se projetant à plus long terme : à Delphes, les trésoriers amphictioniques cherchent d’abord à assainir leur encaisse métallique en émettant le « nouvel amphictionique », avant d’appliquer l’epikatallagê avec le même objectif ; en Béotie, les agonothètes élaborent et respectent des budgets précis et détaillés ; à Messène, le secrétaire des synèdres établit à l’avance un mode et un taux d’imposition qui permettra de rassembler rapidement et équitablement les sommes exigées par les autorités romaines.