Baroni, R. & F. Langevin (dir.) (2016), « Polyphonies : voix et valeurs du discours littéraire », Arborescence, n° 6. (original) (raw)
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Polyphonies : voix et valeurs du discours littéraire, Arborescences 6, 2016
Dans ce numéro nous avons donc souhaité nous intéresser à ce lieu de rencontre entre les questions relatives à la polyphonie énonciative et la négociation des valeurs qui en découle dans le récit de fiction. Si la polyphonie peut être envisagée – en raison de la tradition de lecture engendrée à partir de la notion bakhtinienne du dialogisme – comme la confrontation d’idéologies et de voix concurrentes, elle est aussi l’occasion, ainsi que le suggère Alain Rabatel (ce numéro), de « mettre l’accent sur la multiplication des points de vue et la complémentarité des perspectives pour penser le complexe ».
Michel Houellebecq est un auteur controversé, non seulement parce que certains critiques s’interrogent sur le statut littéraire de son oeuvre, qui a connu un immense succès commercial, mais aussi parce que ses romans, souvent provocateurs, engendrent chez les lecteurs des réactions contrastées, qui vont du rejet radical, accompagné par une mise en cause de la valeur morale du texte, à une forte adhésion, généralement fondée sur le constat de la lucidité de l’auteur et de sa capacité à représenter le monde tel qu’il est, avec férocité, sans complaisance, mais également avec courage et un certain humour. Au coeur de ces jugements qui engagent des valeurs essentielles pour la littérature, se pose la question fondamentale de la polyphonie romanesque. Sur la base d’une analyse de quelques extraits tirés des Particules élémentaires, seront dégagés différents facteurs, textuels et contextuels, susceptibles de conditionner la réception du texte, notamment la perception de la « voix » de l’auteur, tout en offrant un espace ouvert sur une pluralité interprétative. Je me centrerai en particulier sur la manière dont le roman présente des opinions racistes, homophobes et antiféministes susceptibles d’engendrer de violentes réactions de la part du public, tout en engageant, à des degrés différents, la responsabilité morale de l’écrivain. Cette analyse visera également, en préambule, à réfléchir sur le statut éthique des énoncés fictionnels.
Baroni, R. (2017) « Pour une narratologie transmédiale », Poétique, n° 182, p. 155-175.
Poétique, 2017
L’histoire de la narratologie est paradoxale. Sa naissance découle de la prise de conscience précoce que l’horizon des travaux portant sur la narrativité déborde du cadre de la théorie littéraire. Pourtant, cette discipline émergente a longtemps été réticente à s’émanciper de son périmètre d’origine. Il en a découlé qu’un certain nombre de concepts se sont figés dans des définitions qui les rendent difficilement applicables à des formes non verbales. A une époque où les grands récits de notre culture se déclinent sur une vaste gamme de supports médiatiques, souvent coordonnés, au sein desquels les narrations bédéiques, filmiques, télévisuelles ou vidéoludiques occupent une place de plus en plus centrale, il est devenu urgent de développer une théorie du récit capable d’embrasser cette diversité. Mais cet élargissement ne doit pas se faire au mépris d’une conscience aiguë des contraintes que chaque support, par sa matérialité, mais aussi par sa tradition historique, impose au message narratif. Si l’on regarde au-delà du phénomène de l’adaptabilité des histoires, il devient alors essentiel de refonder des concepts transversaux suffisamment souples pour s’adapter à n’importe quel média, tout en réfléchissant à la manière spécifique dont chacun d’entre eux s’incarne médiatiquement.
Poétique, 2020
Cet article revient brièvement sur la manière dont le modèle séquentiel développé dans le cadre de la linguistique textuelle a influencé l'enseignement de la littérature: en proposant un modèle graduel de la narrativité, en délimitant différents prototypes de séquences textuelles et en décrivant les alternances et les enchâssements de ces séquences au sein des textes. Nous tenterons de mettre en lumière certains problèmes inhérents aux usages littéraires qui ont été tirés de ce modèle séquentiel, puis nous tenterons de dégager quelques pistes en vue de faire évoluer ces outils de manière à améliorer leur ergonomie pour l'analyse des récits que nous définirons comme « mimétiques ». La conclusion reviendra sur la manière dont linguistique textuelle, narratologie et sémiotique délimitent des champs disciplinaires différenciés, mais qui se croisent et offrent aux études littéraires un éventail de concepts convergents ou complémentaires susceptibles d'être mobilisés pour enrichir la compréhension des fonctionnements narratifs et pour en faciliter l'enseignement.
De Bakhtine à Ducrot: pour une approche polyphonique du discours littéraire
2018
La notion de polyphonie renvoie aux reflexions de Bakhtine qui, par ses analyses linguistiques sur la poetique de Dostoievski (1970), remarquait que l’œuvre romanesque n’est pas un dialogue clos de l’auteur, mais un lieu par excellence de dialogue, interaction et de rencontre de plusieurs voix. Il s’agit bien sur de multiplicite de «consciences equipollentes» et des pluralites de styles qui se disputent et se font entendre simultanement a travers le discours du narrateur. De son inspiration bakhtinienne, le linguiste-pragmaticien francais O. Ducrot (1972, 1980b & 1984), a repris ladite notion et l’a developpee pour elaborer sa fameuse theorie de polyphonie enonciative-semantique. Il faut remarquer que la these de Ducrot en reste theorisee et originale; sachant que Bakhtine ne s’interesse generalement qu’aux configurations polyphoniques dans les textes litteraires, mais tandis que le linguiste francais s’appuie essentiellement sur une description polyphonique de la phrase qui est uni...
« L’entrelacement des voix : les polylogues dans les romans en prose »
La voix dans l’écrit, PRIS-MA, Recherches sur la littérature d’imagination au Moyen Âge, tome XXII, 1 et 2, n° 43-44, Janvier-décembre 2006, p. 51-65
Les romans arthuriens en prose donnent une ampleur remarquable aux conversations qui rassemblent plusieurs personnages, que les linguistes appellent polylogues 1 . Alors que les textes en vers privilégiaient les dilogues, c'est-à-dire des dialogues à deux personnages, les textes en prose, aidés en cela par la permanence du discours attributif, développent de longs dialogues dans lesquels les voix se complètent, s'opposent ou s'entrelacent. Or, l'écriture d'un polylogue pose de nombreux problèmes de clarté et de compréhension au lecteurauditeur. La plupart des textes, et tout particulièrement les récits en vers, s'efforcent de les ramener à des dilogues dans lesquels seules alternent les voix de deux interlocuteurs : ils