Dimensions et caractéristiques dominantes de l’immigration économique en Grèce (original) (raw)
Au cours des dernières décennies, les pays d'Europe méridionale que sont l'Espagne, le Portugal, l'Italie et la Grèce, qui étaient traditionnellement des pays d'émigration, se sont tous mués en pays d'immigration (Cavounidis, 2002). Ces pays sont devenus des pays d'accueil pour une main-d'oeuvre issue de pays sous-développés ou en voie de développement. Il n'y a évidemment pas une seule et simple explication à cette évolution, qui semble pourtant à première vue assez similaire dans ces quatre pays. Les changements politiques profonds, liés à l'effondrement des anciens régimes socialistes, ont largement alimenté la transformation du régime migratoire de ces pays méditerranéens. Les conflits sociaux et la crise économique provoqués par les bouleversements politiques ont conduit environ 3 millions d'immigrants vers ces quatre pays du Bassin méditerranéen à la fin des années 1990. La géographie de ces pays a beaucoup facilité ces mouvements : de longues côtes, de nombreuses îles, des frontières montagnardes difficilement contrôlables (Carella et Pace, 2001). Cependant, l'expérience de la Grèce se démarque radicalement de celle des autres pays. Avec une ampleur sans égale en Europe méridionale, la Grèce a subi les effets des migrations résultant de l'effondrement des régimes communistes des pays de l'Europe de l'Est, dont certains ont une frontière commune avec elle. Les pays d'origine de la majeure partie des immigrants ne sont pas les mêmes que ceux des trois autres pays d'immigration cités. Trois facteurs essentiels peuvent expliquer cette différence : les pays qui exportent majoritairement leur main-d'oeuvre en Grèce sont d'anciens pays communistes confrontés à une phase de transition économique longue et difficile, ils sont géographiquement proches de la Grèce, et l'immigration en Grèce se caractérise par un afflux massif d'immigrants provenant tous du même pays. Ces différences auront d'importantes conséquences sur les schémas migratoires futurs et sur l'articulation des marchés du travail entre les pays d'accueil et certains pays d'origine (Cavounidis, 2002). Depuis la fin du XIX ème siècle, la Grèce a connu deux périodes de forte émigration. La première correspond aux années 1895-1921 ; elle se caractérise essentiellement par une intense émigration vers les États-Unis, les autres pays balkaniques, les pays de la Méditerranée orientale et la Russie. La deuxième vague, plus récente, remonte aux années 1954-1973, avec une émigration principalement orientée vers l'Allemagne et les pays transocéaniques. Cette émigration à caractère économique a alimenté des mouvements de retour durant tout le XX ème siècle, mais les entrées n'ont excédé les sorties que durant deux périodes seulement, en 1922-1930 et en 1973-1974. En Grèce, le premier mouvement d'émigration couvre donc la fin du XIX ème siècle et le début du XX ème. Selon les données officielles, pendant la période 1891-1930, on estime que 368 699 Grecs ont migré vers les États-Unis, tandis que 17 912 migrants seraient partis vers d'autres pays transocéaniques (Canada, Australie). Selon d'autres sources, la population grecque émigrante fut d'environ 215 000 personnes pour la seule période 1895-1912. Durant les guerres balkaniques (1912-1913) et la Première Guerre mondiale, il y eut également un nombre non négligeable de départs, mais il est impossible d'estimer l'ampleur réelle du mouvement (Emke-Poulopoulos, 1989).