le traitement epicurien de la douleur, in Cahiers philosophiques de Strasbourg, 15 (2003), 91-117 (original) (raw)

"Les remedia doloris chez Sénèque : exercices spirituels contre la douleur physique dans le stoïcisme et l'épicurisme", Vita Latina 203, 2023, p. 42-59.

Both Epicureanism and Stoicism proposed spiritual techniques for dealing with physical pain. For the Stoics, it is the practice of premeditation, which aims to imagine suffering in order to gradually become familiar with the idea of its necessity. This practice is part of a polemic with Epicurus, who categorically rejects it as useless, ineffective and even dangerous. However, this same criticism can be found in the work of the Stoic Seneca, who seems to speak as an Epicurean when he also states that it is useless to fear something that may not happen. In fact, Seneca distinguishes the useless and uncertain fear of future suffering from praemeditatio doloris which, properly conducted and subject to the moral judgement that identifies dolor as an indifferent, is a rational use of the imagination.

"Le fonctionnement de la douleur chez Sénèque : entre physiologie médicale et éthique stoïcienne", in B. Petey-Girard et P. Séverac (éds), Représentations de la souffrance, "Rencontres" 365, Garnier, 2018, p. 151-164.

L’œuvre philosophique de Sénèque, philosophe romain du Ier siècle de notre ère, contient plusieurs développements techniques expliquant les mécanismes physiologiques de la douleur. La présence de ces théories médicales peut sembler étonnante chez un philosophe stoïcien qui souligne par ailleurs la nécessité de mépriser les phénomènes corporels. En effet, le philosophe respecte scrupuleusement l’orthodoxie stoïcienne en affirmant à plusieurs reprises que la douleur physique, en tant qu’« indifférent » moral , doit être méprisée ; toutefois, parallèlement à ces considérations – et en cela il se démarque de ses prédécesseurs stoïciens –, il compose une œuvre dans laquelle la souffrance occupe une place considérable, aussi bien d’un point de vue médical que philosophique . Ce paradoxe apparent a abouti à un certain nombre d’incompréhensions chez les exégètes qui ont expliqué le plus souvent la présence de tels passages par des éléments extérieurs au système philosophique de l’auteur : un goût prononcé pour une rhétorique morbide , la conséquence directe de problèmes de santé , ou encore un intérêt personnel pour la science médicale . Or, ces justifications ne prennent aucunement en compte les fonctions du thème de la souffrance au sein même du système philosophique de Sénèque. En effet, ces théories médicales ne constituent pas des développements autonomes qui trouveraient leur finalité en eux-mêmes, mais des arguments au service d’une démonstration philosophique plus générale. La notion de dolor, au carrefour des phénomènes biologiques et psychiques, soulève donc le problème du rapport entre savoir scientifique et sagesse, physique et morale, médecine et philosophie.

La douleur comme « matrice » de la vie intérieure chez Nietzsche

Meta: Research in Hermeneutics, Phenomenology, and Practical Philosophy, 2011

This paper attempts to put some order among the different notions of pain that are to be found in the Nietzschean philosophical corpus. It tries to show that there is a mutation of the Nietzschean concept of pain, from the notion of pain as evaluation to that of pain as localization of a commotion. Therefore pain is not in itself the source of a reaction, but is actually a consequence of a commotion that a reaction has already addressed by the time of the appearance of pain. A deeper notion of pain is therefore sketched here, one that depicts it as an illusory reaction, destined at separating the global commotion of the organism from its alleged localized cause, thus separating the action from the agent and postponing the facing of the global effect of the commotion. It is for this reason that pain becomes a kind of “matrix” for the understanding of our interior life for Nietzsche, as well as a philosophical indicator of his theoretical adversaries. Finally, the end of this article attempts to show that certain positive indications for a different status of pain might serve as guiding lines for the uncovering of a Nietzschean theory of action.

Published Une approche au vocabulaire de la douleur dans le Corpus hippocratique

Ithaque, 0

Contrairement à une tendance majoritaire de l’exégèse du vocabulaire de la douleur dans le Corpus hippocratique (CH), qui le réduit à trois familles de mots et qui conçoit la douleur chez les médecins hippocratiques comme un phénomène exclusivement physique, nous avons des raisons de penser qu’on peut trouver plusieurs manières de signifier la douleur dans le CH et que les médecins hippocratiques ont thématisé des éléments émotionnels dans leurs diagnostics de la douleur.

Ambroise Sassard ou le refus absolu de la douleur (in Le Corps dans l'histoire..., Hermann, 2013)

L’histoire de la médecine n’a engendré que très peu de figures d’une dénégation radicale des bienfaits et de l’utilité de la douleur. Jusqu’au XXe siècle, la plupart des médecins et chirurgiens, par une équation biaisée, déduisaient de l’utilité de la douleur (fonction d’alarme qui prévient l’organisme des dangers) le fait qu’elle était précieuse. Au tout début du XIXe siècle, Hyppolite Bilon présentait la douleur comme « bienfaisante » et « nécessaire » et l’érigeait au rang de « sentinelle de la vie ». Vingt ans plus tard, en 1823, Jacques-Alexandre Salgues, chirurgien à Dijon, louant l’importance des douleurs de l’accouchement, écrivait « qu’il n’est pas un médecin vraiment digne de ce nom, qui se permît d’administrer des médicaments narcotiques pour anéantir ces douleurs ». Pourtant, c’est en 1780 que la première figure d’un refus absolu de la douleur apparut en la personne d’Ambroise Tranquille Sassard, chirurgien principal de l’hôpital de la Charité de Paris. Il publia cette année-là un article qui tranchait singulièrement avec les positions médicales de l’époque, allant jusqu’à s’interroger sur l’utilité même de la douleur, considérée par ses pairs comme le guide infaillible de la main du chirurgien. S’il ne remet pas totalement en cause son utilité, Sassard est néanmoins le seul à désigner la douleur comme scandale dont les effets sur l’homme sont insupportables. Invitant son lecteur à remettre le malade au centre du dispositif médical, Sassard annonce les positions humanistes qui seront celles de René Leriche dans les années 1930. Son article, comme le remarque Jean-Pierre Peter, « est né du refus d’accepter l’invivable douleur des opérés » et à ce titre, il pourrait tenir de lieu de tout premier manifeste anti-douleur.