"Scepticisme et religion dans le Contra Academicos d'Augustin", Scepticisme et religion. Constantes et évolutions de la philosophie hellénistique à la philosophie médiévale. Etudes réunis et éditées par A.-I. Bouton-Touboulic et Carlos Lévy, "Monothéismes et philosophie", Brepols, 2016, p. 171-192. (original) (raw)
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Scepticisme et religion. Constantes et évolutions, de la philosophie hellénistique à la philosophie médiévale, 2016
que de l'aide du Conseil Régional d'Aquitaine. Nos remerciements vont également à Xavier Gheerbrant pour sa relecture attentive et à Min-Jun Huh, qui a bien voulu établir l'index locorum après avoir relu les indications bibliographiques. Anne-Isabelle Bouton-Touboulic Il peut sembler surprenant de vouloir étudier les relations entre scepticisme et religion dans le Contra Academicos, tant ce premier Dialogue philosophique d'Augustin, réfutation du scepticisme de la Nouvelle Académie, semble à première vue discret quant à son adhésion à la foi catholique, si on le compare non seulement à des oeuvres ultérieures, mais même à d'autres Dialogues de Cassiciacum (le De beata uita et le De ordine). On n'y trouve ainsi que deux allusions bibliques explicites, au Nouveau Testament 1 , et l'on se rappelle que son ami Alypius, qui avait participé aux entretiens, n'avait pas voulu ensuite voir figurer le nom du Christ dans ces Dialogues 2. Il convient donc d'examiner la pertinence de cette première impression, en recherchant les traces non seulement de la religion chrétienne, mais aussi d'autres religions ou courants religieux, à travers la présence du lexique religieux. La faible thématisation de la religion doit être rapportée à l'objet du Dialogue et aux adversaires qu'il vise (à savoir les Néoacadémiciens), pour mesurer par exemple ce qui sépare le Contra Academicos de la stratégie frontale adoptée face à un adversaire sceptique par Minucius Felix dans son Octauius, dont la dimension apologétique est, il est vrai, nettement marquée. A cet égard, il faut relever que ces deux ouvrages font écho à deux oeuvres différentes de Cicéron : les Academica pour Augustin, le De natura deorum pour Minucius. Mais si 1
Premier postulat : on ne naît pas sceptique, on le devient. Cette lapalissade doit pourtant être rappelée dans la mesure où le scepticisme de Montaigne résulte d'une lente détérioration des valeurs morales durant la seconde moitié du xvi e siècle. Second postulat : dans le cas de Montaigne, il est difficile de parler de scepticisme au singulierc'est-à-dire de la doctrine philosophique de ce nom -, mais plutôt de « moments sceptiques » -au pluriel -, ces moments étant eux-mêmes produits par des expériences qui sont d'abord d'ordre politique avant de devenir, éventuellement, philosophique 1 . Il semble en effet difficile 1. Sur le scepticisme de Montaigne, nous renvoyons aux études de Frédéric Brahami, Le scepticisme de Montaigne, Paris, PUF, 1997 ; Jan Miernowski, L'ontologie de la contradiction sceptique. Pour l'étude de la métaphysique des Essais, Paris, H. Champion,
Le platonisme de Plutarque de Cheronée entre scepticisme, théologie et métaphysique Plutarque et le scepticisme La relation entre le platonicien Plutarque et le scepticisme a stimulé depuis toujours des interpretations divergentes. Tandis que John Dillon avait affirmé que le scepticisme n'avait pas d'importance pour les platoniciens 1 , plus récemment un grand nombre des specialistes ont en revanche insisté sur son intérêt pour le scepticisme ; et quelqu'un est allé jusqu'à defendre une interpretation sceptique, partiale ou globale, de Plutaque : partiale dans le cas de ceux qui ont envisagé une phase sceptique (au début ou à la fin de sa carrière) 2 , globale comme pour exemple Daniel Babut qui avait repéré dans une forme de scepticisme fideiste le sens veritable de la philosophie de Plutarque (nous y reviendrons sur cette interpretation) 3 . L'importance de la confrontation avec le scepticisme est sûre : mais faut-il en conclure que Plutarque était sceptique ? Oui et non. Dans mon exposé je me propose de retourner su ce problème en deféndant une interpretation partiellement différente à celle des ces éminents specialistes. Je m'efforcerais à montrer qu'on peut parler de scepticisme à propos de Plutarque, mais à condition qu'il soit clair de quel scepticisme s'agit-il. Il faut en somme qu'il soit clair qu'il s'agit d'une forme de scepticisme originelle, qui ne deut pas être embruillé avec les autres types de sceptisme en circulation entre les siècles hellénistiques et la première époque imperiale. Si on peut parler du scepticisme à propos de Plutarque, il faut aussi qu'on ne confonde pas son scepticisme et celui de la tradition hellénistique, académicienne et phyrronienne. C'est un point fondamental qui nous peut aider à mieux comprendre le platonisme imperial dans ses liaisons dangereuses avec le scepticisme et la théologie 4 . Un problème à la fois historique et philosophique Le problème de la relation entre Plutarque et le scepticisme est à la fois théorique et historique, parce que une discussion du scepticisme dans le platonisme imperiale implique necessairement une prise de position sur l'Académie hellénistique d'Arcesilas, Carnèade et Philon. Parmi les specialistes qui ont defendue une interpretation sceptique de Plutarque (ou, en tout cas, qu'ils non pas nié une compatibilité possible entre le scepticisme et Plutarque) on remarque la tendence à parler d'une influence du scepticisme académique 5 . Mais cela n'est pas correct : voilà un premier point qu'il faut clarifier. En discussion ce n'est pas une interpretation academisante du platonisme mais mais plutôt une interpretation platonisante de l'Académie. Naturellement, cette lecture aussi pose des problèmes, 1
Le 13 juin 323 av. J.-C. meurt Alexandre le Grand. Par convention, cette date marque le début d'une nouvelle époque dans le monde grec : on entre dans la période hellénistique (323-31 av. J.-C.). À n'en point douter, la conquête fulgurante de l'empire perse a radicalement changé les structures institutionnelles et les pratiques de vie dans le monde grec : les cités (poleis) individuelles ont laissé la place à des royaumes et à des monarchies où les Grecs se retrouvent mélangés à d'autres populations. Ces nouveautés ont certainement eu un impact sur la philosophie. Dans le cas de la tradition platonicienne toutefois, il faudra attendre encore quelques décennies pour assister à une vraie nouveauté -une nouveauté certainement incomparable aux conquêtes d'Alexandre, mais qui pose une série de questions tout à fait pertinentes dans l'histoire du platonisme et, plus largement, de la pensée critique.