J.-F. Staszak, 2008, « Que savait-on de Tahiti en 1890 ? Paul Gauguin et la géographie coloniale », in P. Singaravélou (dir.) , L’Empire des géographes. Géographie, exploration et colonisation XIXe-XXe siècle, Paris, Belin, pp. 162-175. (original) (raw)

Le journal de Mademoiselle Anne-Pauline Gilbert (1926-1927) : Genre, éducation protestante et colonisation à Tahiti pendant l’entre-deux-guerres

Miss Anne-Pauline Gilbert arrived in Tahiti in 1926, as a volunteer teacher sent by the Paris Evangelical Missionary Society. During her first 18 months, she kept a diary entitled “An account of the journey and first impressions of a missionary teacher in Tahiti” which is halfway between a travel book and a missionary report. The reading of this diary helps a better understanding of the motivations of Western missionary women. It also shows the influence of cultural and gender stereotypes, a willingness to overcome them, or to cope with them, and adapt to them. The marginal position of Anne-Pauline Gilbert and her misaligned point of view throw light on the intertwining of gender and “race” hierarchies in missionary dynamics during the inter-war years.

Le protectorat français sur Tahiti, Revue d’histoire diplomatique, 2011, n°2, p. 97-114.

Dans le cadre d'une recherche sur le rôle des opinions publiques dans les relations internationales, cette étude en deux temps (« le protectorat français sur Tahiti » ; « l'affaire Pritchard») vise à faire le point sur la mise en place du protectorat français puis la crise franco-anglaise d'août 1844, dont Tahiti fut le prétexte, sinon l'enjeu, et le pasteur Pritchard à la fois le détonateur et l'amplificateur. Cet épisode, qui mit à mal la première Entente cordiale, malmenée au même moment par le bombardement de Tanger et de la prise de Mogador, ne peut pas se comprendre, bien entendu, sans tenir compte des relations franco-anglaises sur le temps long. La crise orientale de 1840, les French wars, les rivalités coloniales dans l'Atlantique : sans remonter jusqu'à la guerre de Cent Ans, tous ces maillons de la chaîne, sans jamais avoir de rapport direct avec Tahiti, activent tous leur mémoire chez les acteurs des évènements de 1843-1844, dans la mesure où il est toujours question, dans le Pacifique, de rivalité maritime et impériale franco-anglaise. La prise en compte des problématiques domestiques, françaises et anglaises, dans les années 1840, ne sont pas moins nécessaires à l'intelligence de l'affaire Pritchard. La monarchie de Juillet, et notamment ce « moment Guizot », qui ne se résout pas à libéraliser le régime en élargissant la représentation nationale, cherche à l'insatisfaction intérieure des compensations glorieuses. Significativement, quelques pages avant d'évoquer sa décision d'implanter la France dans le Pacifique, pour y assurer à sa marine des mouillages, et débarrasser ses départements des bagnards, Guizot évoque dans ses mémoires « tout le prix comme tout le charme de cette sympathie générale qu'on appelle la popularité » 1 . Pas plus que la Restauration ne s'est sauvée par la prise d'Alger, Guizot ne trouva en Polynésie le salut de la Monarchie de Juillet. Dépassé par ses agents locaux, et obligé de présenter ses excuses à l'Angleterre, il y gagna seulement le sobriquet de « lord Guizot » et Louis-Philippe l'image d'un roi qui avait préféré payer Pritchard plutôt que de sauver l'honneur de la nation. Quant à l'opinion anglaise, qui semble endosser la responsabilité des mauvaises passions chauvines et anti-françaises, face à la modération de lord Aberdeen, il serait aisé de démontrer que son agressivité, loin d'être un bellicisme, exprimait essentiellement une terreur obsidionale, face à un impérialisme français mal évalué. Il est vrai que la publication par le prince de Joinville, au printemps 1844, d'une note sur l'état des forces navales françaises dans la Revue des deux mondes, sous couvert d'un anonymat qui ne le dissimulait guère, n'avait pas aidé l'opinion anglaise à se rassurer. Les acteurs locaux, qui ont fait plus que relayer l'impérialisme d'État, en outrepassant leurs instructions, ont utilisé les passions populaires pour faire pression sur leurs gouvernements respectifs. Mais il ne sera essentiellement pas question de ce temps long ou des problématiques domestiques dans notre exposé ; nous leur ferons place dans les travaux que nous évoquions plus haut. Le but de cette étude est de déplacer le point de vue d'analyse vers le Pacifique. Seule la connaissance des sociétés locales, et l'appréhension des distances entre la scène 1 GUIZOT (François), Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, Tome XIII, 1841-1847, Paleo, 2006

1993 (Pierre Le Roux, 1re édition en volume des articles de Jacques de Morgan) Exploration dans la presqu’île malaise. Royaumes de Pérak et de Patani, Textes réunis et présentés par Pierre Le Roux (1re édition en articles disparates : 1886), 428 p., cartes, dessins, photos

Pattani/Paris, Prince of Songkla University, Pattani Campus (“Grand Sud”)/CNRS & ministère des Affaires étrangères, introduction de Pierre Le Roux

Jacques de Morgan (1857-1924), explorateur et archéologue français, était géologue ingénieur civil des Mines et l'un des meilleurs spécialistes de numismatique orientale de son époque. Fondateur du Musée d'Alexandrie, il dirigea de nombreuses fouilles archéologiques en particulier au Proche-Orient qui ont abouti notamment à la découverte du Code d'Hammourabi en Perse, des statues colossales du dieu Ptah ou encore du scribe assis de Giseh en Egypte... En 1884, il fut chargé par le gouvernement britannique d'un voyage d'exploration afin de dresser la première carte du sultanat malais de Pérak et du massif formant la limite de partage des eaux entre les deux versants de la Péninsule malaise. Il passa de nombreux mois dans les terres de l'intérieur, parmi les négritos chasseurs-cueilleurs forestiers Sakai et Semang, plus connus aujourd'hui en Malaisie comme "orang asli" « hommes des origines ». Il en entreprit une description ethnographique de qualité, dans une région inconnue et dans des conditions difficiles. Il fut pour ainsi dire le premier européen à s'y aventurer et à en témoigner scientifiquement. C'est son journal de voyage complété des différents articles qu'il publia sur d'autres aspects de son séjour qui fait l'objet de la présente réédition, la première depuis l'assemblage de ces articles disparates en un volume, publié en 1886. L'initiative de cette réédition vient de Patani (actuelle Thaïlande du Sud), comme un clin d'œil à celui qui arpentait cette région il y a près d'un siècle.

"Paul Gauguin et la dialectique spatio-temporelle de la modernité," Impressionism: du Plein-Air au territoire, ed., Frederic Cousiné, Presses de l'Université de Rouen, 2013, 39-54.

in Frederic Cousiné, ed., L'Impressionism: du Plein-Air au Territoire, Actes de Colloque, Presses Université de Rouen, 2012

L e propos du présent article est de saisir l'écart entre les toiles de Paul Gauguin représentant des paysages normands en 1884-1885 et celles qu'il a peintes à Pont-Aven de 1886 à 1888. La différence prend la forme d'un renversement dans le traitement du paysage et témoigne d'un changement majeur dans la démarche de Gauguin face à la dialectique temporelle de la modernité et à l'importance de celle-ci dans le développement des stratégies visuelles de la peinture moderne. En bref, j'entends démontrer que la représentation de la campagne normande par Gauguin comme un espace que Richard Brettell qualifie de « non-lieu », s'accompagne également d'une représentation de sa contemporanéité 1 . Pourtant dans ses tableaux de Bretagne, Gauguin inverse ces caractéristiques spatio-temporelles, de manière à ce que les lieux soient reconnaissables et dotés d'une dimension archaïque. Qui plus est, pour Gauguin, toute la question de la représentation du « moderne » n'apparaît pas seulement dans le contenu de ces tableaux, mais de manière plus décisive dans leur articulation formelle de la dialectique espace-temps. En d'autres termes, re-concevoir une image de la modernité consiste pour Gauguin à donner une forme visuelle aux déplacements spatio-temporels opérés par celle-ci.