Les points de suspension comme ressource interactionnelle sur les tchats francophones (original) (raw)

2009, La langue en contexte. Actes du colloque «Représentations du sens linguistique IV », Helsinki 28-30 mai 2008. (Eds. Havu E., Härmä J., Helkkula M., Larjavaara M. & Tuomarla U.; Société Néophilologique, Helsinki, )

D’une manière générale, les fonctions des points de suspension sur les tchats semblent donc être liées à l’indication de la continuité et à la fragmentation du tour. Ces fonctions dites principales se chevauchent cependant souvent avec différents emplois interactionnels et stylistiques. En effet, lorsque les points de suspension s’associent aux termes d’adresse et aux salutations, ils peuvent notamment faciliter les actions de s’introduire dans la conversation, de recevoir un nouveau participant, de s’adresser à une certaine personne, de quitter le forum, etc. Le nombre des points constituant le signe de ponctuation n’est pas fixe : bien que la majorité des occurrences consistent en trois points, le nombre des points peut aussi être supérieur à trois ou bien réduit à deux. Le nombre des points ne semble cependant pas être très pertinent sur le plan des fonctions véhiculées par le signe de ponctuation. Les fonctions stylistiques des points de suspension varient naturellement selon le contexte. L’emploi stylistique est particulièrement clair lorsque les points de suspension s’associent à une particule discursive, à un acronyme ou à une interjection. Dans ces cas, le signe de ponctuation constitue un indice de contextualisation supplémentaire, servant à guider le processus de l’interprétation de(s) destinataire(s) (Gumperz 1982, 1992). Plus précisément, les points de suspension semblent dans ces cas souvent mettre en valeur la fonction modale de l’élément lexical auquel ils s’associent et souligner l’impression de la subjectivité typiquement véhiculée par ce type d’éléments (Kerbrat-Orecchioni 1984 ; Fernandez 1994). Conformément à leur emploi typique dans la littérature, les points de suspension apparaissant sur les tchats semblent souvent être utilisés pour créer un effet du prolongement inexprimé de la pensée à la fin du segment terminé (Grevisse et Goosse 2007 : 138 ; Riegel, Pellat et Rioul 2004 : 91). De plus, ce signe de ponctuation véhicule souvent un sous-entendu (Drillon 1991 : 406), qui peut notamment constituer une référence au champ commun des connaissances des participants. Sur le plan interactionnel, les fonctions stylistiques des points de suspension peuvent aussi être employées notamment pour préparer l’interlocuteur à une réponse non préférée. Souvent, ce signe de ponctuation semble également créer un « effet d’oralité » dans le dialogue écrit14 : il peut notamment servir à imiter une pause ou un débit particulier de la parole (Grevisse et Goosse 2008 : 138 ; Riegel, Pellat et Rioul 2004 : 91 ; Werry 1996 : 56–57).