De l’interprétation des symptômes à la lecture des chiffres dans la pensée de Jaspers » (publié in Introduction à l’herméneutique médicale, Éd. Le cercle herméneutique, 2011, p. 33-44) (original) (raw)
Il convient, au regard de la tendance dominante et déjà ancienne à réduire la médecine à une techno-science parmi d'autres, de réinterroger ce qui lui donne son sens : l'expérience de la maladie. Comme on sait, cette expérience se traduit par un trouble de l'assiette du malade, comme disait déjà Montaigne, un trouble qui, en général, est accompagné par une souffrance, qu'il revient au médecin de, respectivement, rétablir et soulager ; mais elle est par ailleurs toujours susceptible de mettre en jeu la vie même du malade en le confrontant à la possibilité de sa mort. Qu'en est-il à ce double égard de la tâche du médecin, dont Hippocrate et Galien ont, au premier abord étrangement, laissé entendre qu'elle avait à voir avec la philosophie ? La pensée de ce malade chronique 1 et médecin philosophe que fut Karl Jaspers mérite ici d'être entendue, dans la mesure où, reprenant à son compte une telle suggestion, elle invite à distinguer -tout en les articulant -une dimension proprement herméneutique et une seconde dimension qui l'excède 2 . Après avoir indiqué les grandes lignes de la conception que Jaspers se fait de l'herméneutique médicale, je me propose d'en cerner les limites au regard de la philosophie existentielle qu'il a élaboré, c'est-à-dire en considérant d'abord la souffrance qui accompagne la maladie, puis la dimension plus obscure à laquelle cette souffrance est susceptible de donner accès.