"Horace et la question idéologique à Rome : considérations sur un itinéraire politique" (dans Revue historique 664, 2012, p. 863-886) (original) (raw)
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Through the analysis of texts from the end of the Republic to Augustus’ Principate, this article aims to verify the validity of the concept of ideology in the Roman society. During the Republic, the right to deal with politics was based on virtue and relationships to renowned gens rather than on a peculiar future in prospect and community’ goals. Rulers were expected to ensure the proper working of institutions and to guarantee citizens’ safety. The Roman society could not imagine another model. When a crisis arose, chiefs had to restore rather than propose. Within Augustus’ Principate, the official discourse is changed in order to associate Rome’s fate and prosperity to the gens Augusta. At the same time, the government organization is responsible for any kind of counter-discourse. If one cannot speak of a real ideology, Augustus’ Principate attests to the advent of a proto-ideology. À travers l’analyse de textes allant de la fin de la République au Principat d’Auguste, l’auteur se propose de vérifier la validité du concept d’idéologie dans la société romaine. Sous la République, le droit à commander relevait plus de la vertu et de l’appartenance à une gens illustre que d’une vision de l’avenir, d’un dessein communautaire. Ce qui était demandé aux dirigeants, c’était d’assurer le bon fonctionnement des institutions et la sécurité des citoyens. Le monde romain se refusait à imaginer une société autre. Lors d’une crise, il s’agissait de restaurer, non de proposer. Avec le Principat d’Auguste, le discours officiel se modifie et tend désormais à lier le destin de Rome et l’abondance à la gens Augusta. Dans le même temps, un discours d’opposition apparaît lié à la forme du régime. Si l’on ne peut parler de réelle idéologie, le Principat d’Auguste marque au moins l’apparition d’une proto-idéologie.
ABSTRACT The concept of ideology is frequently discussed by many sociologists and modern philosophers and used by historians of Rome. But it cannot be taken for granted as regards Antiquity. The rules and the conditions of Roman political life from Republic to early Roman Empire were not a fertile ground for the emergence of ideologies. However, in the Fifth century B.C. and with the birth of the Principate, struggles of ideological nature seemed to have shaped Roman political life. RESUME La notion d’idéologie, bien que récurrente chez les historiens de Rome, ne va pas de soi lorsqu’elle est appliquée à l’Antiquité. Les modalités de la vie politique à Rome de la République jusqu’au Haut-Empire constituaient même un terreau a priori défavorable à l’émergence des idéologies. Toutefois, en deux occasions, au Ve siècle avant n. è. et avec la naissance du Principat, une rivalité de type idéologique a contribué à structurer la vie politique romaine.
Horace, élaboration d'un sujet historique
Penser à l'aide de l'Histoire La tragédie d'Horace invite à s'interroger sur l'esprit dans lequel Corneille aborde le théâtre historique, et sur le contenu exact du respect qu'il réclame à l'égard des données de l'histoire. Appliquées au cas de Cinna ou de Pompée, ces questions seraient moins stimulantes : Cinna évoque des guerres civiles, des conspirations, et au temps de Corneille, les guerres civiles françaises sont encore en cours, bien qu'elles perdent peut-être un peu de leur impétuosité ; les conspirations sont quotidiennes. Pompée se déroule sur fond de rivalités des factions politiques, et c'est l'époque où les grands personnages ne cessent d'intriguer pour se débarrasser de Richelieu. L'application du sujet de ces deux pièces à l'actualité immédiate est natu-relle. Il n'en va pas de même pour Horace. C'est là un sujet qui expose les contemporains de Corneille à une exigeante réflexion. Le patriotisme, en effet, en ces mêmes temps, est scandaleusement ba-foué, et la notion même en est encore confuse. La partie factieuse du pro-testantisme (affaiblie mais non pas éteinte), l'obstiné et versatile Gaston d'Orléans, le demi-frère du roi, César de Vendôme, la puissante famille des Guise, suivie par les nostalgiques de la Ligue, le parti dévôt, prisonnier de principes théologiques, certains agités de haut vol, comme la duchesse de Chevreuse, ou La Rochefoucauld,… ne privilégient nullement l'intérêt géné-ral. Avec les seuls vestiges, aujourd'hui, de notre héritage révolutionnaire, nous nous sentirions plus proches de Tite-Live, que de ces fauteurs de con-spirations internationales, tirant unanimement à hue et à dia, pour extor-quer au roi l'agrandissement de leurs maisons. Chacune de ces factions est un corps constitué, pensionnant ses sbires et ses négociateurs, dont la tête,
Je pense qu'il y a pour tout homme, comme pour tous les gens des municipes, deux patries : une patrie de nature, une patrie de citoyenneté. Ainsi, comme Caton, qui, bien que né à Tusculum, a été admis dans la cité du peuple romain, et qui, Tusculan de par son origine, Romain par sa citoyenneté, possédait une patrie géographique et une patrie de droit (-) de même, nous, nous considérons comme patrie celle où nous sommes nés aussi bien que celle qui nous a accueillis. Mais il est nécessaire que celle-là l'emporte dans notre affection par laquelle le nom de "république" est le bien commun de la cité entière. C'est pour elle que nous devons mourir; c'est à elle qu'il faut nous donner tout entiers, en elle qu'il faut déposer et pour ainsi dire sanctifier tout ce qui nous accueillis..." 1 .
Le « parti » d'Auguste et son action religieuse en Italie : quelques pistes de réflexion (20 av. J.-C.-30 ap. J.-C.) * L'époque impériale redéfinit le paysage religieux à Rome, en Italie et dans les provinces. Il ne s'agit pas d'un bouleversement mais d'un subtil « recadrage », qui s'opère au bénéfice du princeps et qui représente une oeuvre collective, un travail d'équipe en quelque sorte. Des proches et des soutiens reconnus d'Auguste contribuent à relayer activement la politique impériale de restitutio en matière religieuse, tout en permettant l'infiltration du prince dans le panorama cultuel. Dès le début du régime, il suffit de se souvenir de l'action de L. Munatius Plancus, rallié à Octave, supervisant l'octroi du titre d'Augustus 1 . Après lui, Agrippa suit ce même élan de pré-ou para-divinisation du nouveau chef de l'État romain en proposant d'introduire une image d'Auguste aux côtés d'autres dieux (Mars, Vénus) dans le temple qui devient le Panthéon 2 . Plus tard, L. Domitius Ahenobarbus consacre un autel près de l'Elbe à l'empereur 3 . Autre exemple, en 9 av. J.-C., l'Ara Pacis montre les familiers d'Auguste dans une pompa très solennelle 4 : ici, tous sont réunis pour soutenir le nouvel ordre augustéen sous les couleurs d'une sévérité religieuse retrouvée, et célébrée en groupe. Une même confusion des sphères cultuelle et familiale est à l'oeuvre lorsque Tibère, Claude, Drusus et Germanicus sont agrégés aux sodales Augustales, quand cette confrérie est créée 5 . * Je tiens à remercier M.-Th. Raepsaet-Charlier pour ses conseils et relectures, qui me furent très utiles.
ABSTRACT IN ENGLISH : Plutarch reports that Cato the Younger, under Marcus Favonius' aedileship, presented artists with leaves wreaths and very simple gifts, after having organised spectacles in Rome. In analysing in minute detail this text, but also the transmission of the anecdote, my purpose in writing the present paper is to explain these ceremony's distinctive features in underlining the complexity of Cato's character and his belonging to both Roman and Greek cultural background. ---------------------------------------- RÉSUMÉ EN FRANÇAIS : Plutarque rapporte que Caton le Jeune, sous l'édilité de Marcus Favonius, remit des couronnes de feuillage et des cadeaux d'une grande simplicité à des artistes, à la suite de spectacles organisés à Rome. Analysant minutieusement ce texte, mais aussi la transmission de l'anecdote, le présent article cherche à expliquer les particularités de cette cérémonie en soulignant la complexité du personnage de Caton et son appartenance à des milieux culturels à la fois grecs et romains.
Moatti Claudia, Res publica. Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018, 467 p. S'il est un mot (ou plutôt une locution) dont la traduction et l'usage moderne posent question, c'est bien celui de res publica. L'ambitieux livre de Cl. Moatti part d'une idée simple : les mots ont une histoire et, de fait, leur acception, évolue dans le temps. D'où la nécessité, afin d'éviter les malentendus, de retrouver comment les Romains ont utilisé cette notion tout à la fois polysémique, conflictuelle et intraduisible. Cl. Moatti note d'emblée que la res publica n'était originellement ni une abstraction ni un régime politique. Dans la locution, le mot important est res, qui n'est ensuite que précisé. Cette « chose », note l'auteure, est, ce point est fondamental, une sorte d'enveloppe au contenu incertain, sans référent précis a priori, mais qui est nécessairement l'« objet » de quelque chose, ce sur quoi on porte le regard, ce dont on parle, ce sur quoi on agit. Res appartient par ailleurs au langage judiciaire : c'est l'affaire qu'il faut qualifier et à propos de laquelle il faut délibérer. De fait, quand on parle de res publica, l'expression désigne les « affaires » dont parlent les citoyens et qu'ils ont en commun. De fait, la res publica est ce qui est commun à tous sans pour autant être consensuel : la conflictualité est consubstantielle à la notion de res publica.