De l'autocensure à une forme de légitimation des belgicismes. Avatars dans les représentations qu'ont les Belges francophones de leurs particularités lexicales, de 1970 à aujourd'hui (original) (raw)
De la Chasse aux belgicismes (1971) publié par l’Office du bon langage au Dictionnaire des belgicismes (2010) de Michel Francard, on n’a cessé d’éditer, au cours de ces dernières décennies, des dictionnaires et autres ouvrages de référence consacrés au français de Belgique. On constate cependant une évolution dans la manière dont ils se présentent, leur approche, les objectifs qu’ils visent, et, surtout, le regard qu’ils portent sur les belgicismes. Ces ouvrages traduisent sans nul doute la représentation que les Belges se font de leur pratique langagière, leur insécurité linguistique et leur perception de l’usage qu’ils font ou non d’un certain type de lexique propre à leur territoire, mais ce sont surtout des publications – du moins en ce qui concerne les ouvrages moins récents – visant à prohiber tout écart par rapport à la norme, des «manuels» à visée didactique ayant pour but de tenter d’éradiquer tout ce qui diffère de l’usage hexagonal en enseignant aux locuteurs à parler correctement, la différence ayant longtemps été perçue comme une «déviance», une déformation erronée nuisant à l’unité du français, puis, progressivement, du moins pour certains spécialistes et pour un certain type de belgicismes, comme une simple variation. L'article fait le point sur les dictionnaires et autres livres consacrés au français de Belgique publiés au cours des quarante dernières années, à travers une approche comparative qui mettra en évidence les différences dans leur présentation, l’idéologie qu’ils véhiculent et leur intention. Article présent dans Annick Farina, Valeria Zotti (sous la direction de), La variation lexicale des français. Dictionnaires, bases de données, corpus. Hommage à Claude Poirier, préface de Jean Pruvost, Paris, Honoré Champion, 2014, («Lexica, Mots et Dictionnaires»), pp. 371