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"La théorie du droit comme interprétation"
Les juristes énoncent des propositions de droit. Quel en est le sens et quelles en sont les conditions de vérité ? Après avoir critiqué les réponses positivistes à ces questions, R.D. soutient que les propositions de droit sont des interprétations, dont l'objet est de justifier une pratique juridique existante. Elles sont vraies si elles présentent une bonne justification.
Controverses sur la "nature" du droit. Enjeux théoriques et méthodologiques
Cet article se donne pour objectif d’introduire à certaines questions persistantes dans le débat contemporain sur l’identité et la méthodologie de la philosophie du droit. Le droit a-t-il une nature ? Si oui, en quoi consiste une telle nature ? Revient-il à la philosophie du droit de tenter de l’élucider ? Et si oui, de quelle manière ? Le point de départ est la métaphilosophie du droit élaborée au tournant des années 2000 par Joseph Raz, qui tente d’articuler un point de vue subtil et nuancé sur la méthodologie de la philosophie du droit. Raz affirme en effet que cette dernière recherche les propriétés essentielles du droit, mais qu’elle ne peut le faire qu’à travers l’étude du concept de droit, lequel est contingent et culturellement déterminé. On tente ensuite d’analyser les ambiguïtés de la conception que Raz se fait de la nature de X et celles qui affectent la méthode qu’il entend promouvoir. Cette dernière ne se laisse ramener ni à une analyse conceptuelle classique, ni à une forme de constructivisme, ni à un réductionnisme métaphysique. C’est enfin le postulat même selon lequel le droit aurait des propriétés essentielles qui est susceptible d’être soumis à la critique ; l’examen de quelques arguments typiques dirigés contre l’essentialisme en philosophie du droit clôt l’article. La conclusion générale se veut un plaidoyer pour une relativisation des enjeux métaphilosophiques, dont l’importance a parfois été exagérée.
Théorie du droit et phénoménologie du droit : jalons d’une réception critique au XXe siècle
Revue de la Recherche juridique - Cahiers de Méthodologie du Droit, 2015
Il existe des provinces particulièrement réfractaires au retour aux choses elles-mêmes ; la province « Droit » en constitue un exemple typique 1. La tentative de renouveler l'approche philosophique du droit au XX e siè-cle grâce à la méthode phénoménologique est un constat d'échec signé par la quasi-totalité des théoriciens du droit. Il l'est avec d'autant plus d'assurance que cette tentation est déjà vieille d'un siècle puisqu'elle remonte à Husserl en per-sonne. Notre objectif est de retracer ici les jalons de la réception en théorie du droit des essais de phénoménologie du droit, en prenant pour ligne directrice non pas d'en rendre les subtilités internes, mais de viser à chaque fois ce qui a été la pierre d'achoppement pour les théoriciens du droit qui les ont pris en considération. Premièrement, nous rappellerons comment l'arrivée de la phéno-ménologie via de jeunes auteurs allemands a été perçue comme une promesse ou plutôt, si l'on prend déjà le parti des juristes, comme une fausse promesse. Deuxièmement, nous nous arrêterons sur le dénuement, pour ne pas dire la superficialité de la phénoménologie française face à la question du droit. Troisièmement, nous ferons état du discrédit généralisé qui a fini par effacer chez les théoriciens du droit ‒ et même chez beaucoup de philosophes du droit ‒ jusqu'au souvenir de la phénoménologie. ------------------------------ Phenomenology's attempt to seize the meaning of legal phenomenon is an admission of failure among most legal theorists. This article aims to review the history of phenomenology of law's reception in legal theory and the specific criticism developed by legal theorists themselves. We will consider : firstly, the false promises of German phenomenologists ; secondly, the superficiality of French phenomenology ; thirdly, the widespread discredit on phenomenology in legal world at the end of the 20th century.
BONNE : Enjeux d'une critique | FRANÇOIS CHÉNEDÉ : Saleilles et la cession de dette | BORIS BERNABÉ : L'appel | FRANÇOIS SAINT-BONNET : Histoire de la vie privée GLOSE PIERRE LEGENDRE CRITIQUES ANTHONY MERGEY : Acte III de la décentralisation | PAUL TALBOURDET : Féodalité et données personnelles | CYRIL DOUNOT : République laïque et symboles chrétiens | NICOLAS LAURENT-BONNE : Désolennisation du testament authentique | ELENA GIANOZZI, LAURENT CONVERT : Le bon père de famille nº 1 | 2018 nº 1 | 2018 Prix : 33 € nº1 | 2018 Direction de la revue Nicolas Cornu Thénard, Nicolas Laurent-Bonne Conception graphique Gaël Etienne Logotype Ateliers Marie Bracco Édition Société de législation comparée Directeur de la publication : Dominique Hascher Revue publiée avec le soutien de lTribonien 12 place du Panthéon 75005 Paris revue@tribonien.com
Pensées du droit, lois de la philosophie
2012
Ce livre rend hommage à Guy Haarscher à l'occasion de son départ à l'éméritat, au terme d'une carrière d'enseignant et de chercheur menée au sein de l'Université libre de Bruxelles, ponctuée par de multiples écrits et interventions publiques dans les domaines de la philosophie du droit et de la philosophie politique, en particulier sur des sujets essentiels et sensibles comme ceux de la laïcité et des droits de l'homme, et avec une attention plus spécifique à la question de la liberté d'expression. Au lendemain de ses études de philosophie, de droit et de sciences économiques à l'Université libre de Bruxelles, Guy Haarscher est engagé comme assistant en philosophie pour réaliser une thèse de doctorat sous la direction de Chaïm Perelman. Cette thèse, consacrée à L'ontologie de Marx, sera soutenue en 1977 et publiée en 1980. A la même époque, il traduit et commente deux ouvrages de Lukacs pour les éditions Gallimard : L'âme et les formes et Le jeune Hegel. Après cette première période consacrée à la philosophie critique et marxiste allemande, ses travaux de recherche, en parfaite cohérence avec sa double formation de philosophe et de juriste, vont prendre de plus en plus en considération la réalité des pratiques juridiques et des exigences liées à l'Etat de droit 1. Portrait intellectuel de Guy Haarscher Le libre examen en action ou la rhétorique dans la vie publique Emmanuelle DanBlon Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de rendre hommage à Guy Haarscher pour montrer le lien puissant qui s'établit entre les grandes fonctions de la rhétorique dans la vie publique et la pratique du libre examen. On dira que ce lien, s'il existe en tant que tel, n'a que peu de rapport avec le droit et la philosophie, les disciplines que Guy a enseignées et pratiquées tout au long de sa carrière. Tout dépend, sans doute, de la hauteur de vue qu'on adoptera. On sait que le libre examen est avant tout une attitude mais aussi une méthode qui permet de pratiquer la discussion critique. En cela, il constitue la version moderne de la rhétorique. Mais le libre examen permet aussi une mise en dialogue éclairée des disciplines, dans une perspective humaniste. De ce point de vue, Guy Haarscher est un praticien exemplaire d'une rhétorique libre exaministe. Il a su réaliser ce qu'avait imaginé son maître Perelman : un dialogue fécond et éclairé entre le droit et la philosophie. Il n'est pas rare que la figure de Guy Haarscher, comme philosophe des droits de l'homme, soit associée au libre examen. Je voudrais montrer ici à quel point il incarne cette culture dans toute sa dimension pratique, intellectuelle et morale, ainsi que dans les multiples fonctions qu'elle remplit dans les institutions des sociétés ouvertes : le droit, la politique, la science, l'éthique, etc. En d'autres mots, le dialogue entre philosophie et droit peut se réaliser de façon pratique, en prenant à bras le corps les grands débats qui animent les sociétés, et cela est l'affaire d'un intellectuel comme Guy Haarscher, tour à tour et simultanément professeur d'Université, homme public intervenant sur les principaux enjeux de société, citoyen engagé et éclairé. Et les différentes facettes de cet homme se sont harmonieusement répondues l'une à l'autre sans jamais qu'il n'y ait de confusion, de dérapage ou de mélange des genres au sens pleinement rhétorique de ce terme. Il donne ainsi l'exemple d'un libre examen vécu qui s'est spécialisé dans la rhétorique Ni droit, ni philosophie, la rhétorique des origines est un art Un hommage à Guy Haarscher, à l'homme, à sa carrière, à sa façon d'agir et de penser, est ainsi une occasion donnée, que je saisis avec bonheur, d'interroger à nouveaux frais la portée de la pratique rhétorique, lorsqu'elle est envisagée comme un art au sens le plus grec et le moins romantique du mot, c'est-à-dire comme elle fut conçue par ces premiers grands humanistes qu'étaient les sophistes. Après eux, son premier véritable théoricien, Aristote, tente encore de maintenir le lien entre théorie et pratique. Sa Rhétorique consigne de nombreux conseils à l'orateur, à la façon des sophistes, mais elle nous est surtout connue pour avoir théorisé les usages de la parole publique qui témoignent des grandes institutions de l'Athènes de son temps. En cela, le projet d'Aristote est aussi bien théorique que pratique : il cherche à décrire les usages réels, à montrer en quoi la parole publique est liée à des lieux et à des fonctions dans la cité, comment elle se construit et s'exerce à travers des preuves mais comment, aussi, un orateur doit s'y prendre pour toucher l'âme humaine. Ce que nous avons perdu de cette pensée et dont Aristote est encore le témoin est l'importance, la qualité, pour la vie publique, d'un tel artisanat. Au vrai, la rhétorique ne peut pas faire système. Elle ne peut pas se contenter de penser. Elle ne veut d'ailleurs pas surplomber par la pensée. Son intelligence est dans la souplesse et dans l'action. Elle doit agir, produire, créer, en même temps qu'elle pense. Elle doit construire la réalité sociale, remonter ses manches, descendre dans l'arène, exercer l'oralité de la parole publique. Dès qu'elle s'enferme dans un bureau, un laboratoire ou une tour d'ivoire, elle perd sa véritable fonction. Il n'en est pas autrement pour le libre examen. Mais il est difficile de maintenir un principe vivant, portrait intellectuel de guy haarscher 13 lorsqu'il est gravé sur le fronton d'un bâtiment, surtout le bâtiment d'une société qui a fini par penser que dans les Universités la théorie devait dominer la pratique. Le temps de considérer Pourtant, cette importance de la sagesse pratique dans la rationalité des décisions se trouve déjà sous la plume du Perelman théoricien de la rhétorique comme du Perelman philosophe du droit que Guy Haarscher a connu et fréquenté. N'oublions pas au passage que le propre maître de Perelman, Eugène Dupréel, était lui-même un grand connaisseur des sophistes. Il y a là, dans la maison bruxelloise du libre examen, un terreau d'idées, qui connaît depuis longtemps les fondements de la raison pratique. Après le scientisme du XIX e siècle, il transmet, en héritage intellectuel, une ligne claire : celle qui va des sophistes à la renaissance de la rhétorique et à la mise en débat des droits de l'homme. Tous disent que l'application mécanique et absolue d'un principe-fût-il l'un de ceux qui nous est le plus cher : la liberté, l'égalité-n'est pas rationnelle. Ce qui est rationnel est la souplesse qui permet, par la discussion critique, de considérer, en son âme et conscience, toute la complexité d'une situation. Le juge, rappelle Perelman, doit être rationnel et raisonnable. Il doit en outre prendre le temps de la considération, même (ou peut-être surtout) si une crise se présente. Il doit, comme disait l'adage, se « hâter lentement ». C'est le moment où l'homme, responsable politique, juge, avocat, expert ou conseiller se trouve seul à juger. Or ce moment doit s'étendre dans un temps donné, mesuré, ni trop long ni trop bref. Le temps qui convient pour nourrir la situation concrète par l'imagination. Le temps de l'éclairer par l'intuition, et ensuite de la transformer en une considération de laquelle naîtra une décision. Mais cette caractéristique du raisonnable dont parlait Perelman est bien davantage qu'un simple ornement de la rationalité. Elle en est le fondement. L'homme raisonnable, le juge idéal, est celui qui est capable en un geste d'appliquer les principes de son expertise, l'expérience de sa pratique et l'exercice de sa conscience (s'il en possède une). En cela, en ce sens plein, il est libre exaministe. C'est pourquoi, en principe, le libre examen ne se récite ni ne s'évoque comme un slogan : il se vit. A défaut de le vivre, on en trahit l'esprit et ne reste de lui qu'une lettre morte. C'est le risque. Le libre examen n'est pas un principe, il est une action pratique, dans laquelle, répétons-le, on peut voir ce qu'enseignaient les sophistes à travers les divers usages de la critique. Ratione et diligentia Voici donc retrouvé le lien intime, génétique, généalogique, même, entre libre examen et rhétorique. Pourtant, les institutions contemporaines n'ont plus grand chose à partager avec celles d'Aristote, ne fût-ce que par leur taille, leur complexité, leur masse critique, leur globalisation. De sorte que la question du libre examen et sa fonction pour le bon fonctionnement des sociétés doit se penser à nouveaux frais. Ce fil naturel que nous avons retrouvé entre rhétorique et libre examen ne serait pas décrit honnêtement si l'on ne prenait pas en compte l'évolution des choses, à travers l'évolution des sociétés. Nous avons souligné l'importance de la dimension pratique, dans la rhétorique et dans le libre examen. Mais nous n'avons guère abordé sa dimension morale ou seulement de façon marginale. Il fut à l'occasion question de souplesse, de lucidité, de courage. Il fut évoqué que certaines qualités morales qui semblent nécessaires à la raison pratique sont distribuées inégalement mais qu'on peut les améliorer en les exerçant. Déjà problématique chez Aristote, à travers la figure du phronimos-l'homme prudent, cette version grecque de l'honnête homme-la question de l'action morale dans la cité est devenue très délicate aujourd'hui. On ne peut se passer de la morale mais on hésite à l'enseigner de peur qu'elle ne se transforme en catéchisme. Nous avons été tentés par le relativisme, lui aussi en perte de vitesse. Au vrai, nous sommes sans doute à un tournant sur cette question. Sommes-nous devenus cyniques en ce début de XXI e siècle ? Il se fait que Guy Haarscher aurait pu choisir le confort postmoderne du cynisme comme d'autres l'ont fait mais qu'il ne l'a pas choisi. Au contraire. Un jour, il a rencontré le reflet de sa conscience dans un miroir et celle-ci lui a souri. Cette rencontre l'a rempli, semblet-il, d'une humanité taillée à la mesure d'un homme de son temps et de sa culture. La mesure, mais aussi la...
Théorie du droit et théorie littéraire
« Théorie du droit et théorie littéraire », in Imaginaires juridiques et poétiques littéraires, éd. C. Grall et A.-M. Luciani, Presses Universitaires de France, coll. « CEPRISA », 2013., 2013
Le roman comme miroir critique du droit
Revue de l'université de Moncton, 2011
Cet article analyse la représentation du droit et de l’homme de droit dans Les fruits si doux de l’arbre à pain de Tchicaya U’Tamsi, roman dans lequel le personnage principal est un juge. Le premier objectif est de problématiser les rapports d’homologie ou d’opposition entre la fiction littéraire et le droit en tant que ce dernier se présente comme un discours à prétention scientifique. Le deuxième objectif est de montrer, par le biais de l’analyse de la trajectoire de Raymond Poaty, le héros de Tchicaya, que le droit et l’homme de droit peuvent trouver en la fiction littéraire un miroir ou un espace de réflexivité qui leur permet d’échapper aux tautologies intradisciplinaires.