Delmotte F, Mercenier H, Van Ingelgom V, Sentiment d'appartenance et indifférence à l'Europe. Quand les jeunes s'en mêlent (ou pas), in Faure A, Negrier E (eds), La politique à l'épreuve des émotions, Rennes: PUR (original) (raw)

2017 - DELMOTTE, F., MERCENIER H. & VAN INGELGOM, V., ‘Sentiment d’appartenance et indifférence à l’Europe. Quand des jeunes s’en mêlent (ou pas)’, in A. FAURE & E. NEGRIER (ed.), Les émotions en politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

2016

Cette contribution aborde la question du rôle joué par les émotions des citoyens dans leur rapport à l’Europe, quand les études européennes s’en sont assez peu souciées. Certes, après 1992 (et la ratification difficile du traité de Maastricht), et plus encore après 2005 (et l’échec de la ratification du Traité Constitutionnel), des interrogations sur la « légitimité » du projet européen ont emmené dans leur sillage la question de l’attachement. Notamment à travers l’hypothèse d’un sentiment d’appartenance à l’Europe jugé globalement défaillant. Cependant, celui-ci demeure mal cerné par le biais des sondages Eurobaromètres, qui n’échappent pas à l’opposition dénoncée par Norbert Elias entre raison et sentiment. Dans le même temps, la question de l’indifférence des citoyens à l’Europe reste peu investiguée dans des schémas prisonniers des approches (« soutien versus rejet ») léguées par les études sur l’euroscepticisme. Dans le cadre d’une recherche collective portant sur l’acceptation sociale de l’UE comme espace de régulation, six entretiens collectifs avec des groupes de quatre à sept jeunes (âgés de 16 à 26 ans) ont été organisés en 2013-2014 dans différents quartiers de Bruxelles, offrant d’autres points de vue sur ces questions. L’enquête part de l’hypothèse qu’un ordre politique ne peut prétendre à la légitimité que si les citoyens s’orientent d’après les représentations qu’ils se font de cet ordre (Weber). Partant de là, on tentera de montrer que le « repérage d’empreintes émotives individuelles » n’est pas seulement utile pour rendre compte d’engagements politiques forts. Il l’est aussi pour comprendre des formes de désengagement et de retrait qui se révèlent irréductibles à une absence de sentiments vis-à-vis de l’Europe, et parfois compatibles avec une connaissance approfondie de « ce dont on parle

"Le symbolique au-delà de la nation - Le cas de l’Union européenne" dans Xavier Crettiez, Isabelle Sommier (dir.), Les dimensions émotionnelles du politique, Chemins de traverse avec Philippe Braud, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 273-290.

dans Xavier Crettiez, Isabelle Sommier (dir.), Les dimensions émotionnelles du politique, Chemins de traverse avec Philippe Braud, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 273-290. A la fin de l'été 2011, une petite tempête politique fut soulevée à Bruxelles par la proposition du commissaire allemand à l'énergie Günther Oettinger de mettre en berne devant les bâtiments de l'UE les drapeaux des Etats membres trop endettés. Cette mesure destinée à frapper l'opinion irait de pair avec une perte de souveraineté budgétaire ; les arbitrages des gouvernements déficients étant soumis à la Commission. Davantage que l'hypothèse -déjà avérée -d'une limitation des compétences gouvernementales par les autorités supranationales, ce fut la perspective de voir la subordination se traduire en termes symboliques par une atteinte à la dignité du drapeau national qui déclencha des réactions scandalisées. Des dirigeants politiques de différents pays firent part de leur révolte. La Commission, par la bouche de son président Barroso, prit ses distances avec ce qui fut rejetée comme une « proposition farfelue » ne traduisant que le point de vue individuel d'un commissaire. Plus de cent cinquante députés européens signèrent une déclaration demandant des excuses, voire la démission du fauteur de troubles 1 .

« Propagande et sensibilité : la fibre émotionnelle au cœur des luttes politiques et sociales dans les villes des anciens Pays-Bas bourguignons. » with Jan Dumolyn, dans É. Lecuppre-Desjardin et al (éd.), Emotions in the Heart of City (14th-16th century), Turnhout, p. 41-62.

Un Philippe le Bon qui, à la manière des pleureuses de l'antiquité, « se rue à terre », les yeux exorbités, les veines gonflées à l'annonce de l'assassinat de son père ou qui, après s'être brouillé avec son fils, s'enfonce dans la forêt de Soignes telle une furie, un Charles le Téméraire qui, à la suite d'un énième conflit avec son père, prend ses serviteurs à témoin de son désarroi déclenchant les larmes et les clameurs de ses nobles comme celles de ses marmitons : les mémoires de Bourgogne ne manquent pas d'épisodes dont l'intensité dramatique le dispute à une mise en scène haute en couleur 1. C'est sans doute cette exubérance chronique que partagent humbles et puissants qui a invité Johan Huizinga à attirer l'attention des historiens spécialistes de la fin du Moyen Age sur ce caractère impalpable mais néanmoins essentiel, au sens strict du terme, des sociétés concernées par leurs recherches : « il faut se rappeler cette réceptivité, cette facilité d'émotions, cette propension aux larmes, ces retours spirituels, si l'on veut concevoir l'âpreté du goût, la violence de couleur qu'avait la vie en ce temps là » 2. Cet intérêt de Huizinga a suscité des modèles d'interprétation assez statiques que Norbert Elias quelques années plus tard fixa pour longtemps dans une opposition presque manichéenne, confinant ces comportements exagérés du XVe siècle dans une antichambre préparant l'arrivée d'une « civilité » propre à la renaissance 3. Aujourd'hui, de nombreux travaux ont révélé toute l'ampleur que méritent les émotions dans l'étude historique, exauçant ainsi les voeux formulés par Lucien

Benjamin Flammand - Se sentir politiquement engagé : le rôle des émotions dans la subjectivation politique des recrues de Lutte ouvrière

Lien social et Politiques, 2021

FR : La sociologie du militantisme fait généralement du passage à l’acte la première étape du devenir militant. On gagnerait pourtant à déplacer le regard : comment en vient-on à se sentir politiquement engagé avant même toute institutionnalisation de l’engagement ? Cet article s’appuie sur une observation participante des dispositifs de recrutement de l’organisation trotskyste Lutte ouvrière (LO) et sur une douzaine de récits de vie avec des individus en situation de recrutement, qui ont vocation à être reconduits dans les prochaines années pour mesurer l’évolution du processus d’engagement politique des jeunes recrues. Ces dernières ne peuvent espérer être intégrées comme « révolutionnaires professionnels » avant plusieurs années. Les émotions sont l’instrument de leur transformation subjective et deviennent dès lors une voie essentielle pour pouvoir construire une analyse phénoménologique de l’engagement politique, irréductible à l’adhésion militante. EN : Taking action and joining an activist organization has often been introduced as the foremost questions to be answered by sociology of activist commitment. And yet far too little attention has been paid to commitment outside the institutional frame: long before joining any organization, how do we come to feel politically committed? This paper is based on a participant observation of the recruitment methods of a French Trotskyist organization, as well as a dozen of life stories with young recruits of this organization. Recruits are indeed to undergo several trials before being granted full “professional revolutionary” membership. Emotions actively contribute to spawning the recruits’ political subjectivity through their experience of the recruitment methods. The study of emotions from a phenomenological perspective may thus throw into relief certain features of political commitment that might otherwise be missed.

« De l’indifférence à l’expérience d’une compassion interculturelle. Les émotions des voyageurs face aux supplices en Orient (Bernier, Tavernier, La Martinière) »

HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2022

Centre interdisciplinaire d'étude des littératures d'Aix-Marseille (CIELAM) et laboratoire Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée (TELEMMe, UMR 7303), Aix-Marseille Université Résumé : Cet article propose d'étudier l'expression des émotions des voyageurs face au spectacle des supplices orientaux dans plusieurs récits de voyage du XVII e siècle. Si la violence des traitements réservés aux voleurs et aux criminels est un invariant relevé par les voyageurs parcourant les pays d'Orient (l'Empire ottoman, la Perse et l'Inde moghole), la modalité du regard porté sur le patient du supplice varie de la compassion à l'indifférence. L'objet de cet article est d'interroger plus spécifiquement les implications politiques, axiologiques et anthropologiques de l'expression de la compassion des voyageurs, ainsi que celles de leur apparente indifférence. Sera notamment envisagé le pouvoir de relativisation des frontières géographiques et morales attaché à cette émotion. Notre étude s'appuiera sur les récits de Jean-Baptiste Tavernier (1676) et Pierre-Martin de La Martinière (1674), deux contemporains ayant voyagé en Orient, proposant une abondante description de supplices.