De l'oralité à l'espace du livre. Amadou Hampâté Bâ et les notes de bas de page (original) (raw)
Il pourrait paraître insolite de consacrer un article non pas au texte d'Hampâté Bâ, mais à ses marges, si l'auteur n'avait pas lui-même accordé autant d'importance au péritexte de ses livres. Un encadrement considérable s'impose, en effet, comme une caractéristique commune à ses différentes oeuvres. Étonnamment, si souvent les préfaces et postfaces d'Hampâté Bâ ont attiré l'attention des critiques, ce n'est absolument pas le cas des notes, qui sont pourtant surabondantes. Non seulement les analyses s'y rapportant sont rares, mais de plus elles ont en commun le fait de s'intéresser aux notes de manière isolée, sans examiner les rapports entretenus entre ces écrits périphériques et le texte. Or ces rapports sont essentiels pour saisir la spécificité de la note, c'est-à-dire, sa dimension de dialogue local et partiel avec un segment déterminé du texte, construit par le lecteur au fur et à mesure de sa lecture. Dans les oeuvres d'Hampâté Bâ, les notes sont présentes absolument partout : dans les récits initiatiques et les contes de la tradition orale, dans les récits historiques ou biographiques, mais aussi dans ses mémoires et même dans les préfaces et postfaces, qui sont déjà des textes aux marges des narrations. Elles sont, par conséquent, une composante essentielle de la pratique scripturale de l'auteur et participent au fonctionnement de chaque narration, en tant que zone de transaction – entre le texte et le hors-texte, le discours pragmatique et l'illusion fabuleuse – et, spécialement, en tant que lieu privilégié d'une stratégie et d'une action sur le public.