"Les aristocrates romains et les poètes à l’époque augustéenne : intérêt et conséquence politique d’un compagnonnage" (dans B. Delignon et Y. Roman, éd., Le poète irrévérencieux. Modèles hellénistiques et réalités romaines, Paris, CEROR, 2009, p. 31-48) (original) (raw)

L’objectif de cette étude est de montrer que vouloir protéger les artistes ne signifiait pas nécessairement vouloir les contrôler. S’il n’y eut pas de manipulation de la part du pouvoir, s’il n’y eut pas volonté d’instrumentaliser leur talent, il ne faut cependant pas négliger le bénéfice politique que l’on pouvait tirer à les côtoyer (mais dans ce cadre, ce n’est pas le fond de l’œuvre qui compte). Notre enquête s’arrête notamment sur les « transferts de popularité ». Dans ce cadre, la fréquentation des poètes, comme de n’importe quelle personnalité, n’était pas neutre et, dans cette société de l’ostentation, a constitué, dès la fin de la République, un élément de l’apparat pour les aristocrates romains. Les motivations des patroni furent d’ailleurs diverses (accéder à l’immortalité par les lettres, assurer la continuité de son influence au sein de sa propre gens, créer une littérature latine capable de rivaliser avec la littérature grecque, bénéficier d’un stimulant intellectuel). S’il y avait bien une dimension politique à protéger des poètes, elle relève du contingent, de l’accident, plus que d’une volonté préalable. Cette dimension politique a un caractère concomitant, au sens étymologique du terme ; elle « va avec », « elle découle de », mais elle « n’est pas » l’essence de la relation entre le patron et son protégé. Au final, ce fonctionnement assurait aux poètes une large indépendance dans la parole à l’égard du pouvoir (qui allait de l’adhésion sincère à l’œuvre d’Auguste à une critique voilée, en passant par le conseil).