Le juge judiciaire, créateur de droit administratif (original) (raw)
Entre 1800 et 1870, environ trois mille décisions ont été rendues au sujet de la répartition, et donc de la délimitation des compétences entre les autorités judiciaire et administrative. A lui seul ce chiffre raconte une guerre des compétences ; il atteste aussi du fait que le judiciaire a été créateur de droit administratif étant entendu, comme l'avait précisé Louis-Antoine Macarel dès 1818 dans ses Eléments de jurisprudence administrative, que le droit administratif se caractérise avant tout comme un droit à la recherche de sa compétence 1. S'il cherche sa compétence, c'est parce que sa définition même n'est pas assurée. La liaison de la compétence et du fond – compétence d'un juge administratif pour imposer un droit dit administratif – cette liaison n'a pas la fluidité qu'on lui prête depuis que l'arrêt Blanco a été érigé, aux alentours de 1900, en arrêt fondateur du droit administratif. Comme l'atteste la mythologie Blanco, le droit qu'on dit administratif n'a pu se constituer – en science juridique et universitaire du moins – qu'à la condition de se libérer de son histoire 2. Cette histoire a pour objet précisément de nous éclairer sur la nature de ce droit. A supposer qu'il en soit pleinement un. C'est un fait suffisamment connu en effet que le droit administratif est, de façon étonnante, un droit sans lois (du moins sans lois générales affirmant sa compétence), un droit sans code, un droit presque sans juge dans la mesure où le Conseil d'Etat a longtemps été une administration dotée de la prérogative de résoudre du contentieux et que les administrations actives, ministres, préfets, maires, ont pareillement, jusqu'aux commencements de la troisième République, été habilités à se prononcer sur des droits. Le sujet oblige par conséquent à prendre du recul parce que son énoncé même semble dissonant aux oreilles contemporaines. En vertu du principe de séparation des autorités judiciaire et administrative, le juge judiciaire, à tout le moins, ne devrait pas pouvoir créer de droit administratif puisqu'il lui est, en théorie, interdit de connaître des actes d'administration « de quelque nature qu'ils soient » comme le martèle le décret du 16 fructidor an III. Mais