L'étrange destin de la "petite madeleine" de Proust (original) (raw)
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Pastiches de Proust : La place de l'étoile de Patrick Modiano
Marcel Proust Aujourd'hui, 2005
Les liens intimes entre Modiano et Proust ont été relevés par plus d'un commentateur de l'oeuvre de Modiano. Cependant, c'est surtout à partir de Villa Triste, qui inaugure un second temps de cette oeuvre, que la plupart de ces commentateurs perçoivent la présence insistante de Proust 1. Colin Nettelbeck et Penelope Hueston résument bien ce rapport à Proust dans sa forme la plus générale : il s'agit d' « même affinité avec le travail du temps » 2 , d'une même concentration sur le passé, sur la mémoire et sur l'oubli, d'un même acharnement à revivre le passé. Réminiscence, impression : voilà des notions proustiennes que l'on rencontre également dans les romans de Modiano, à moins qu'il ne s'agisse de faux amis... Car, les critiques se hâtent d'un commun accord à le souligner, au delà de cet enjeu commun, de ces analogies thématiques, l'univers de Modiano est très différent de celui de Proust. Ici, nul miracle du temps retrouvé, comme dans le dernier volume, homonyme, de la Recherche. Si parfois, passé et présent coïncident un instant, si un pan du voile qui recouvre le passé se trouve levé, il ne révèle que du brouillard, le mystère reste entier chez Modiano, et la 'recherche' du narrateur, se solde à la fin de chaque roman non par la plénitude du souvenir mais par le constat du passé détruit, qui fait place à un vide immense. Bref, comme le constatent encore Nettelbeck & Hueston, le Proust de Modiano n'est pas celui de la madeleine mais celui « du temps qui en fin de compte ne se retrouve pas » 3 Dans l'oeuvre de Modiano à partir de Villa triste, le rapport à Proust est donc riche et complexe. Il est cependant beaucoup plus indirect, moins apparent que dans le tout premier roman de Modiano, La place de l'étoile 4. C'est là que se joue la confrontation à Proust, la lutte préalable du jeune écrivain pour trouver sa place : comment se situer par rapport à l'un des plus grands écrivains d'avant-guerre ? Or cette lutte préalable me semble comme la condition du rapport plus serein, plus équilibré à Proust qui caractérise les oeuvres ultérieures. C'est pourquoi, dans ce qui suit, je me limiterai à La place de l'étoile. Si, depuis sa parution il y a plus de trente ans, ce roman a fait l'objet de multiples commentaires, on peut s'étonner que le rôle qu'y joue Proust ait été assez peu examiné 5. Essayons de cerner ce qui est en jeu dans le nom de Proust, qui surgit si souvent dans ces pages. Dans La place de l'étoile, Proust est beaucoup plus qu'une référence littéraire, il est un véritable personnage, auquel le protagoniste s'identifie dans un des épisodes les plus réussis du roman. Du plus grand romancier juif d'avant-guerre, du créateur de Swann et Bloch, Modiano fait la figure par excellence du juif d'avant-guerre : le juif assimilé ou « le juif snob ». Le juif snob est celui qui, visant à s'assimiler complètement, cache sa judéité et fait la cour au grand monde, jusqu'à intérioriser l'antisémitisme de celui-ci. Or pour Modiano comme pour toute la génération née en
L’univers avant la madeleine : à la recherche des traces cachées
Le propos de cet article est d’analyser les coordonnées de l’espace et du temps, mais tout en nous bornant aux premières pages de La Recherche; on considère d’habitude que l’épisode de la madeleine est le point de départ de la réflexion sur le temps, l’exposition de l’énigme à résoudre. Bien que cela soit vrai, nous essaierons de démontrer qu’avant cette présentation de l’énigme, le roman est parsemé de petites traces qui vont graduellement introduire le problème du temps et de l’espace. Ainsi, on distinguera donc ces deux types de présentation du problème: a) formulation explicite: l’épisode de la madeleine, par exemple; toutes les autres expériences extatiques; et bien sûr, les moments où le narrateur ou le protagoniste font leurs réflexions sur l’écoulement du temps, la façon dont ils vivent l’expérience historique, etc. b) formulation implicite: la présentation implicite, il faudra l’interpréter, parce qu’elle apparaîtra d’habitude sous l’image d’une métaphore ou d’une analogie. Rien n’est écrit au hasard dans La Recherche. Les premières pages contiennent des traces importantes, les rapprochements du problème du temps et de l’espace historiques. La madeleine n’apparaît pas «ex nihilo». L’objet de cet article sera donc d’examiner ces «sens secrets» et de les interpréter.
COnTEXTES, 2006
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Sur Jean Kaempfer, et sur Proust (à propos des pastiches)
Études de lettres, 2015
La structure du pastiche proustien est ternaire, non binaire. Cela veut dire que le pasticheur, quand il se livre à son exercice, imite toujours au moins deux textes à la fois. Le texte X le conduit au texte Y qui produit alors le texte Z, à savoir le pastiche proprement dit. On peut dire d'une autre façon encore que les « belles phrases » sont toujours pour Proust des créations collectives et qu'il faut donc les appréhender comme telles. En passant, ces pages rendent hommage au grand universitaire qu'est le professeur Jean Kaempfer.
Prototypes chez Proust : une recherche à corps perdu
Itinéraires, 2009
Sans s'arrêter à la pratique désormais traditionnelle d'une étude des indices qui révéleraient l'homosexualité du narrateur et, par une identification si tentante que son simplisme n'a jamais suffi à la disqualifier 1 , de Proust, cet article étudiera un processus de construction des corps par l'écriture, une construction qui est aussi constitution paradoxale d'identité. Je rejoindrai, si l'on peut dire, l'obsession du narrateur enfin éclairé sur Sodome, en un point précis : ce processus, qui consiste en l'élaboration textuelle de prototypes, débouche finalement sur un prototype privilégié, l'homosexuel 2 (l'inverti, l'homme-femme, le Charlus, pour reprendre une antonomase de la Recherche), constitué en s'appuyant sur un autre prototype privilégié, mais auquel la culture contemporaine confère une évidence qui manque à l'autre : le Juif. Le concept de prototype mis en place ici est dérivé de la conceptualisation des concepts et des catégories en sémantique cognitive 3. Le prototype peut être défini comme un exemplaire suffisamment représentatif pour servir de critère définitoire de la catégorie par ressemblance ou « air de famille » (Wittgenstein). Le caractère souple du prototype en fait une notion particulièrement commode pour l'analyse littéraire. Mais, comme on pourra s'en rendre compte à partir des exemples étudiés plus loin, l'emploi non psychologique et non linguistique du terme, comme exemplaire unique et premier sur lequel un moule peut être fabriqué pour la production des exemplaires ultérieurs correspond à la manière dont l'identification de Charlus comme homme-femme permet au narrateur de reconnaître et à Proust de construire d'autres personnages qui partagent les principales caractéristiques du prototype. Il y a donc un lien conceptuel entre les deux versions. Le prototype homosexuel est une invention au double sens du terme : tel un trésor, il se présente comme une découverte, fruit d'une recherche qui s'ignore comme telle jusqu'au moment où elle aboutit ; et il résulte, au-delà d'une évidence toujours posée comme problématique, d'un travail (inter/intra)textuel d'élaboration. Les réflexions qui suivent visent donc à analyser la manière dont Proust écrit les corps et leur évolution pour
Plaidoyer pour un personnage plat : à propos d’une page de Proust
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13. D'où ma réserve devant l'interprétation de Bouazis-mais j'ai pu mal comprendre celle-là, car ce livre est d'un accès difficile au-delà de l'admissible. Dans le sens que j'ai cru comprendre, toutefois, la psychanalyse est sans doute une théorie essentiellement moderniste.
La saveur de l'essai: Proust et l'essai fictionnel
Poetique, 2009
"Si la plupart des critiques proustiens perçoivent les passages théoriques d’A la recherche du temps perdu – en particulier « L’adoration perpétuelle », dans Le Temps Retrouvé, ou les développements de Sodome et Gomorrhe sur l’inversion – comme des moments contrastant fortement avec la diégèse, ils les désignent indifféremment par de nombreux vocables et les considèrent simplement comme non-fictionnels. L’attention des commentateurs se concentre de préférence sur les effets produits par l’insertion de ces passages, sur le rapport avec les théories proustiennes du Contre Sainte-Beuve, avec celles de philosophes antérieurs ou contemporains, sans s’interroger directement sur le statut des séquences théoriques, sur leur nature, qui semblent aller de soi. La confusion qui règne dans la manière de désigner les théories de la Recherche devrait pourtant attirer notre attention [...]"