Lapplication de la Sharia dans des societes libres (original) (raw)
Avec l'avènement des révolutions du printemps arabe, l'application de la Sharia ne constitue plus un sujet purement théorique. Il devient une question pratique dont il faudra établir une conception commune qui le sortira du niveau de la dispute et des conflits, et le fera évoluer d'un slogan politique vers un programme pratique. Parmi les accomplissements importants du printemps arabe figure le déplacement de la polémique autour de l'application de la Sharia vers celle de son acception même. Cela témoigne de l'élévation du niveau du débat qui nous évite de mettre la charrue devant les boeufs. La présente contribution vient participer à cet effort qui consiste à lever l'ambiguïté qui règne sur cette thématique. De nos jours, les sociétés arabes sont tiraillées entre deux écoles de pensée au sujet de l'application de la Sharia: un courant laïc qui considère que la Sharia est incompatible avec la liberté, et une école salafiste qui estime que la liberté est contraire à la Sharia. Ainsi, les laïcs ont réduit la révélation à un fait historique qu'il est permis de dépasser ce qui est islamiquement impossible. Tandis que le courant salafiste a transformé une expérience historique en une révélation qu'il va falloir perpétuer, ce qui est impossible humainement. Ainsi, entre " l'humainement impossible " et " l'islamiquement impossible " , la Sharia a été mise à l'écart, et nous sommes arrivés à un chemin sans issue. Si les laïcs et les salafistes peuvent diverger par rapport aux points de départ, ils s'allient dans les résultats avec évidemment des objectifs différents. En effet, la motivation des salafistes demeure le souci et la bienveillance qu'ils portent pour la Sharia, néanmoins ils réduisent l'islam à une image historique figée et cherchent une antériorité à tout ce qui est neuf, comme si toute idée qui n'en a pas est une idée " adultérine ". Quant aux laïcs, ils restent prisonniers d'une autre image figée véhiculée par l'occident qui consiste à prôner une séparation injuste de la vie entre le temporel et le religieux. Cette séparation n'est ni reconnue ni acceptée par l'Islam. L'Islam est une religion qui célèbre l'unicité de Dieu et l'unicité de la vie. A ce propos, il convient de citer la remarque pertinente de l'éminent penseur Alija Izetbegovic qui dit que le Coran « a combiné le réalisme de l'ancien testament avec l'idéalisme du nouveau testament. » Nos sociétés aujourd'hui ont besoin de s'accorder autour d'une conception théorique claire de la notion de la Sharia, son acception, la signification de son application, et par qui elle devrait être appliquée, dans un cadre de respect-par principe-de la liberté et de la dignité des êtres humains sans dualité aucune.