La revue Dérives (1975-1987) et l'écriture migrante : introduire le Tiers dans la littérature québécoise (original) (raw)

Entre 1970 et 1979 au Québec, cent-huit nouveaux périodiques, toutes tendances confondues, émergent dans le champ littéraire, signe d'une forte effervescence culturelle. Or, l'idée sartrienne d'engagement qui traversait le discours des écrivains des années soixante, notamment à la revue Parti pris (1963-1968), n'est plus préconisée. Au commencement de la décennie 1970, la plupart des revues poétiques sont plutôt associées au formalisme. La contre-culture et le marxisme-léninisme viendront infléchir cette orientation esthétique. Et, à la fin des années septante, quelques écrivains, dont plusieurs proviennent des communautés culturelles de Montréal, souhaitent, tout à la fois, s'inscrire dans la filiation des avant-gardes littéraires québécoises et fonder leur identité et leur écriture sur une parole migrante. Notre mémoire se propose d'examiner la revue Dérives, parue entre 1975 et 1987 à Montréal. Sous-titré « Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle », ce périodique est animé par un projet idéologique et esthétique : l'articulation sociale et culturelle du Québec avec le Tiers-Monde. La revue s'inscrit dans la perspective de la décolonisation culturelle et cherche à articuler son discours tiers-mondiste tant avec les avant-gardes littéraires qu'avec les « marges » de la culture québécoise, agissant comme catalyseur d'échanges culturels. À cheval entre la modernité littéraire et le post-modernisme, esquissant une vision de la culture et des arts liée aux théories postcoloniales, l'équipe de Dérives a fait de la revue un des premiers espaces discursifs québécois à être traversé par autant de voix venues d'ailleurs.