La technologie, entre pilote et naufrageur des administrations publiques (original) (raw)

Aux élections municipales de 2001, les deux maires de villes considérées comme ayant fait de l'Internet le levier de la modernisation de la vie communale, citées en exemple par tous les zélateurs de la transition numérique, Parthenay et Agde, sont éliminés au premier tour par leurs administrés. Un reproche commun : un trop grand goût pour la sophistication technologique aux dépens de la vie réelle. Plus profondément, c'est une incompréhension de ce que sont les technologies de l'information et de ce qu'est la technologie en général. Ces maires n'avaient tout simplement pas vu que dès lors qu'il suffit d'une seconde pour envoyer un courriel signalant la panne d'un éclairage public, il faille toujours trois semaines pour le réparer. Une technologie n'est pas un supplément que l'on rajoute à la surface de quelque chose qui va s'en trouver transformé comme par magie. Une technologie fait partie d'un système technique d'ensemble dès lors qu'il s'agit plus qu'une technique isolée destinée à réaliser des automatismes. Quand le premier âge de l'informatique a automatisé la fabrication des bulletins de paye, il ne s'est agi que de faire plus vite et plus efficacement des tâches jusqu'alors manuelles sans que cela change en quoi que ce soit le processus de fabrication de la paye. Gilbert Simondon 1 , qui fut le premier grand philosophe de la technique à l'ère de l'information, a introduit la notion de « couplage » pour comprendre l'objet technique. Soit un objet technique n'est qu'un élément autonome qui n'est pas couplé avec un autre élément, soit il est couplé avec un autre élément ou avec un acteur humain. Cet objet technique ne peut se comprendre alors sans l'appréhension globale de la relation qu'il entretient avec l'humain. Il faut comprendre comment fonctionne chaque élément du couple et comment ils interagissent à travers le couplage. L'élément seul ne peut mener à la compréhension de l'ensemble. Eclairons ce problème par une autre histoire : à la même époque, en 2001, je prenais mes fonctions de conseiller dans les services de la Réforme de l'Etat auprès du Premier ministre. Les cadres avaient un plein accès à Internet tandis que les secrétaires n'avaient accès qu'à la messagerie électronique. La conséquence, entre autres, était que l'on ne pouvait commander un billet de train à sa secrétaire et qu'il fallait le faire soi-même. Je découvrais ensuite que les cartes son étaient retirées des postes de travail dès leur livraison. Le motif en était que le son était associé au jeu et au plaisir. J'en évaluais le coût avec un ami contrôleur d'Etat : 25 000 FF par poste (3900 e) en incluant le cout de la perte de garantie entrainé par cette intervention. Au niveau élémentaire, nous avons là l'expression de la résistance des organisations avec des petits chefs qui ont senti les changements induits par une innovation et qui se précipitent pour verrouiller la reproduction de l'ordre social existant.

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