Collaborateurs d'élu-e(s) écologistes à l'Assemblée nationale : une voie toute tracée ?, in W.Beauvallet, S.Michon (dir.), Dans l'ombre des élus. Une sociologie des collaborateurs politiques, PU du Septentrion, 2017, p.179-195. (original) (raw)
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Chapitre 8 : Collaborateurs d’élu-e(s) écologistes à l’Assemblée nationale : une voie toute tracée ?
Presses universitaires du Septentrion eBooks, 2017
Figure à la fois professionnalisée et privilégiée, détentrice de savoirs et de savoir-faire spécifiques dont la maîtrise permet d'envisager des carrières politiques ascendantes et relativement durables, le collaborateur symbolise tout à la fois l'excellence en politique et la monopolisation du pouvoir par un nombre restreint et peu renouvelé de représentants 1. Loin d'incarner à lui seul l'« entourage » de l'élu-e, il s'impose néanmoins comme objet de recherche pour qui s'intéresse à la formation et à l'exercice du métier politique, et, par-delà, à la (trans)formation des rapports au politique et à la (dé)légitimation des élites. Pourtant, l'attention qui lui a été accordée ces dernières décennies est restée marginale, alors même que l'augmentation du nombre des auxiliaires politiques et leur professionnalisation croissante permettaient de percevoir que s'instaurait, avec la présidentialisation du régime politique, une « République de conseillers » (Eymeri-Douzans, Bioy et Mouton, 2015). Si l'on peut se réjouir de la parution récente d'ouvrages dédiés aux collaborateurs d'élu-e(s) (Courty, 2005 ; Demazière et Le Lidec, 2014 ; Michon, 2014 ; Eymeri-Douzans et al., 2015), ces derniers laissent généralement dans l'ombre l'influence de la socialisation partisane et du recrutement militant sur les représentations et les manières de faire de la politique des collaborateurs. Le plus souvent ignorants des petites formations politiques, ils manquent également de voir de quelles manières « l'être minoritaire » 2 dans les institutions pèse sur la formation de ces représentations et de ces pratiques (Jérome, 2014). Ils délaissent, enfin, le caractère que l'on a tout lieu de supposer genré de l'apprentissage du rôle de collaborateur d'élu-e(s) auquel aucun travail n'est spécifiquement dédié. Le poids du genre ayant été démontré dans l'accès des femmes au Parlement et dans l'apprentissage du rôle de député (Achin, 2005a), on voit mal en effet comment celui de collaborateur y échapperait. La collaboratrice reste ainsi le plus souvent renvoyée aux rôles auxquels l'imaginaire social la destine : secrétaire, épouse, maîtresse, fille, ou femme de l'ombre. Ces spécificités peuvent pourtant être interrogées à partir d'un double cadre d'analyse : celui de la sociologie des institutions et celui de la sociologie des professions. Inspiré par l'oeuvre wébérienne et récemment revisité à l'aune de la sociologie interactionniste, le premier permet de spécifier les conditions de l'apprentissage du métier politique et de penser ses transformations sur le temps long. Les logiques sociales de sélection et de formation du personnel politique sont ainsi ré-historicisées, et l'interaction des socialisations partisanes et institutionnelles, qui structure les rôles politiques, révélée (Offerlé, 1999 ; Lagroye et Offerlé, 2011 ; Dulong, 2012). L'autre cadre d'analyse, qui considère la politique comme un travail collectif, met en lumière le système professionnel auquel appartiennent les élu-e-s et les auxiliaires politiques. Inspirant l'essentiel des travaux parus récemment, il invite à porter l'attention sur les normes professionnelles partagées, les stratégies des acteurs dans des configurations relationnelles complexes, et à analyser les évolutions structurelles du marché du travail politique. Considérant que conditions d'entrée, apprentissage du métier et effectuation de tâches concrètes spécialisées se combinent nécessairement dans la réalité, j'ai souhaité tenir ensemble ces deux approches. À partir du cas des collaborateurs d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) à l'Assemblée nationale, il s'agit de spécifier les particularités écologistes de l'apprentissage du rôle de collaborateur et d'explorer les conditions de socialisation au métier politique de ces auxiliaires d'élu-e(s) minoritaires dans le champ politique. Obligés par l'injonction partisane à « faire de la politique autrement », ils négocient avec l'ensemble des prescriptions contradictoires qu'implique leur double appartenance : à une institution parlementaire aux pratiques largement technicisées et routinisées, et à un parti politique qui invite à entretenir un rapport pour le moins paradoxal-si ce n'est dénié-à toute forme de professionnalisation politique 3. 4 L'entrée au gouvernement Ayrault de Cécile Duflot, nommée ministre de l'Égalité des territoires et du Logement le 16 mai 2012, puis sa sortie de ce même gouvernement et son retour à l'Assemblée nationale en avril 2014 ; l'entrée de Barbara Pompili au gouvernement Valls III, nommée, le 11 février 2016, secrétaire d'État de l'Énergie et de la Mer, chargée des Relations inter-nationales sur le climat et de la Biodiversité. Enfin, la démission de Denis Baupin de son poste de vice-président de l'Assemblée, au moment de sa mise en cause pour harcèlement sexuel, le 9 mai 2016. 5 Éric Alauzay, Christophe Cavard, François-Michel Lambert, Véronique Massonneau, Paul Molac et François de Rugy. 6 Pour tenter d'y remédier, plusieurs associations professionnelles (dont certaines recoupent les clivages partisans : ACD, AFCP, CCAP…) et syndi-cats (l'UNSA-Cél, l'USCP UNSA AN, le SNCP-FO, une section spécialisée du SMA-CFDT…) se sont créés ces dernières années. 7 J'ai été collaboratrice d'une vice-présidente de conseil régional de 2003 à 2007 ; maire-adjointe et conseillère communautaire de 2008 à 2014 ; conseillère municipale d'opposition, conseillère communautaire et présidente du groupe d'élu-e-s de mars 2014 à décembre 2015. 8 Que Valère soit ici remercié pour sa disponibilité et sa résistance aux désenchantements que suscite toute entreprise de dévoilement du monde social. 9 Tous n'étaient pas adhérents d'EELV. Paul Molac, de l'Union démocratique bretonne, siégeait comme apparenté depuis le début de la mandature ; Noël Mamère, depuis qu'il avait quitté le parti en septembre 2013, et Isabelle Attard, Nouvelle donne de novembre 2013 à juin 2014, siégeaient égale-ment sous ce statut. D'autres député-e-s ont quitté le parti après l'enquête :
Questions de communication , 2018
Compte-rendu de : Willy Beauvallet, Sébastien Michon, dirs, Dans l’ombre des élus. Une sociologie des collaborateurs politiques Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. Espaces politiques, 2017, 258 pages
Collaborateurs d’élu-e(s) : une voie toute tracée ? Premiers résultats de recherche
2015
International audienceAyant traité dans notre thèse 1 la question de la (semi)professionnalisation politique, en la considérant comme le fruit paradoxal d'un apprentissage tacite mais codifié et d'une suite relativement incontrôlée de stratégies courtes et de microdécisions 2 , nous avons entamé une recherche post-doctorale dédiée aux collaborateurs d'élu(s). Figure à la fois professionnalisée et privilégiée, expression de savoirs et de savoir-faire spécifiques dont la maîtrise permet d'envisager des carrières politiques ascendantes et relativement durables, le collaborateur symbolise tout à la fois l'expression de l'excellence en politique et la monopolisation du pouvoir par un nombre restreint et peu renouvelé de représentants. Loin de se résumer à une incarnation de l'« entourage » de l'élu, il s'impose comme objet de recherche à qui s'intéresse à la formation et à l'exercice du métier politique, et, par-delà, à la (trans)formation des ...
Revue francaise d’administration publique, 2018
De quoi sont faites les carrières professionnelles et politiques qui conduisent à prendre part au travail gouvernemental ? L'article aborde cette question à partir de données portant sur l'intégralité des carrières précédant l'entrée en cabinet ministériel entre mai 2012 et août 2014. Il recourt à des outils restituant l'épaisseur temporelle des carrières et jette une lumière nouvelle sur les contextes et les moments de professionnalisation politique, sur les continuités entre administration publique et cabinets ministériels, sur l'importance des participations aux entourages politiques ainsi que sur les contrastes générationnels et les spécificités des carrières des recrues les plus jeunes. Abstract Boulevards and Side Roads : Career Paths Leading to Ministerial Offices (2012-2014). What occupational and political careers lead to ministerial offices? The paper gives empirical evidence to this question using individual data on the careers of cabinet members who joined the government between May 2012 and August 2014. These longitudinal data help to describe several aspects of these careers. They help to shed light on the contexts and moments of political professionalization, the transitions between administrative and governmental occupations and the importance of previous positions as a political collaborator. The paper also studies discrepancies between cabinet members' generations and how this dimension is linked to different career paths and positions within the government.
Le travail politique à l'Assemblée : Note sur un champ de recherche trop longtemps déserté
Sociologie Du Travail, 2003
La grande majorité des études s'intéressant aux pratiques d'assemblée sont publiées aux États-Unis. La raison en est simple : dans le régime américain de séparation des pouvoirs, les deux chambres du Congrès jouent un rôle de premier plan dans la production des lois nationales, en particulier grâce au travail effectué par leurs nombreux « comités » 1 . Elles disposent de compétences larges au point qu'aucun président des États-Unis ne peut espérer faire passer un projet défini par ses administrations sans négocier âprement des soutiens dans les assemblées 2 . Ce pouvoir décisionnel se double d'un redoutable pouvoir de contrôle (par le biais d'auditions ou d'enquêtes prenant un caractère judiciaire) sur les comportements des membres de l'administration et, indirectement, sur la politique présidentielle. Le fonctionnement interne du Congrès est d'autant plus un sujet d'interrogation que la faible discipline partisane des parlementaires d'une part, leur forte sensibilité aux pressions des groupes d'intérêt d'autre part, font toujours peser une incertitude sur l'issue des délibérations parlementaires. L'individualisme des députés et sénateurs rend fort improbable, à cet égard, la formation d'un « phénomène majoritaire » qui, en situation de * Auteur correspondant. Adresse e-mail : o.nay@free.fr (O. Nay). 1 Les « comités » (committees) du Congrès américain exercent un pouvoir sans équivalent dans la sélection et la préparation des projets législatifs. Ils produisent de l'expertise sur la plupart des questions publiques. La Chambre des représentants dispose de 19 comités et 115 sous-comités, et le Sénat américain 17 comités et 85 sous-comités -auxquels s'ajoutent des comités ad hoc (select committees) et paritaires (joint committes). Plus de 3000 agents administratifs sont directement mis au service des comités du Congrès (ce qui est plus de dix fois supérieur aux parlements les mieux dotés en personnels). 2 L'histoire des relations entre le président et le Congrès est riche de projets initiés par l'exécutif et rapidement enterrés par les députés et sénateurs. On se rappelle, par exemple, la mise en échec, par le Congrès républicain, du projet de réforme des assurances maladies présenté par l'administration de Bill Clinton (1993.
Par Willy Beauvallet, in Mazeaud Alice, (dir.), Pratiques de la représentation politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014. Répéter que Parlement et parlementaires sont marginalisés dans le régime politique français finit par fonctionner comme un écran de fumée, conduisant à délaisser l'étude des échanges et usages multiples dont les assemblées parlementaires sont les lieus. L'intérêt pour ces institutions ne se résume pourtant pas à leur potentielle influence législative, faible sans être nulle. Outre qu'elles restent le lieu de multiples ajustements normatifs, elles jouent un rôle central dans la structuration du « monde politique » et la socialisation aux rôles et compétences politiques. Elles sont aussi des lieux essentiels de productions symboliques et d'accumulation des capitaux permettant l'accès aux échelons supérieurs des espaces politiques nationaux ou locaux 1 .