Du texte à la pratique. Pour une sémiotique expérimentale, Semiotica (2017) (original) (raw)

English Version Below Notre travail vise à poursuivre les travaux récents de Jacques Fontanille qui envisage, à côté d'une sémiotique du texte, le développement d'une sémiotique de la pratique. Les travaux de Fontanille et notamment Pratiques sémiotiques (2008) développent des propositions qui s'étaient déjà faites jour dans l'article « Êtes-vous arpenteurs ou somnambules ? L'élaboration d'une typologie comportementale des voyageurs du métro » (1990) de Jean-Marie Floch. Nous allons dans un premier temps reparcourir le débat concernant la relation entre une épistémologie du texte et une épistémologie de la pratique, ainsi que la question de l'énonciation (énonciation énoncée, énonciation en acte, praxis énonciative). Dans un deuxième temps, nous proposerons le concept de textualisation comme lieu de médiation entre texte et pratique : les textualisations (photographies, vidéos, prises de notes) permettraient de contrôler le déploiement de la pratique qui est, quant à elle, éphémère et insaisissable. Si les textualisations sont produites in vivo, la notation par contre est une visualisation de la pratique qu'y diffère : elle fonctionne plutôt comme une reconstruction ex-post de la totalité de la pratique mettant en scène les évènements saillants ainsi que la grammaticalisation des gestes et des échanges. Plus généralement, l'objectif de ce texte est d'interroger les objets de la sémiotique : quels sont les objets qu'elle peut se donner, sans trahir un principe d'immanence qui a caractérisé la sémiotique textuelle et sans rester enfermée dans une condition qui la rend inapte à analyser les pratiques et à répondre aux questionnements de l'actualité sociale et de l'orientation de la recherche en sciences humaines ? Abstract: Our essay aims at continuing the work of Jacques Fontanille, who developed a Semiotics of Practice next to a Semiotics of Text. This work, and especially Pratiques sémiotiques (2008), takes up a problem already formulated Floch in the article "Êtes-vous arpenteurs ou somnambules? L'élaboration d'une typologie comportementale des voyageurs du métro" (1990). We will initially retrace the debate about the epistemological relationship between text and practice, outlining the forms of enunciative praxis. Secondly, we propose the concept of "textualization" as mediation between text and action: textualizations (photographs, videos, notes) organize and represent practices, which are in themselves ephemeral and elusive. Finally, we will consider the visualization that we call "notation": this analytical form of mediation between text and practice does not have the same status of in-vivo textua-lizations, but it works like an ex-post reconstruction which highlights the main gestures and exchanges while performing their grammaticalization. A more general aim of this essay is an inquiry into the legitimate objects of textual semiotics: What are the objects that it can analyze without betraying its principle of immanence, but also without being unable to analyze practices and respond to topical questions on social issues and on the research in the human sciences?