Le cuivre, actant du monde : comment les sociétés humaines l'ont conçu, connu et utilisé dans le temps long • in Michel Pernot (dir.), Quatre mille ans d'histoire du cuivre, Presses Universitaires de Bordeaux, Ausonius Editions, 2017, p. 321-340 (original) (raw)

L'humanité n'est jamais vraiment sortie de l'âge du cuivre. Découvert entre le septième et le cinquième millénaire avant notre ère (Barthomeuf 2004), le métal rouge a rapidement quitté l'environnement lithique. Autour de lui s'est créé ce nouvel environnement technique que l'on nommera ensuite métallurgie. De ce moment, le cuivre et ses alliages, laiton et bronze, occupera une place de choix dans les sociétés humaines : métal des pointes de flèches, des haches, des masques, mais aussi des bijoux, des ornements architecturaux, des instruments de musique, des armes et des ornements militaires, des bassines et de la monnaie depuis l'âge du Bronze ; métal des casseroles, des fontaines, des canalisations, des gouttières, des toitures, de l'équipement naval, des ornements d'intérieur, des cloches, des chaudières à vapeur, du chauffage central, des hélices. Et, depuis la structuration du système pétrole / électricité / alliages, il est devenu le métal de la conduction électrique, des câbles sous-marins et de la supraconductivité qui a valu à Müller et Bednorz le prix Nobel de physique en 1987. Cette multiplicité d'emploi dans la très longue durée en fait l'un des fondements de la culture matérielle des sociétés humaines. Ce pourquoi le cuivre est un objet intéressant pour cette histoire mondiale que d'aucuns et non des moindres appellent de leurs voeux (Edgerton 2016). Une perspective qui impose de relativiser la perspective chronologique. L'analyse porte moins en effet sur l'évolution d'une société à un moment ou une époque donnée, que sur la relation que l'homme a tissée avec le fait ou l'objet étudié dans la diversité des époques et des périodes, dans la multiplicité des situations et des milieux. Il faut donc à la fois choisir des objets d'analyse appropriés et adopter un angle d'attaque convenable, par exemple interroger le fondement anthropologique des dynamiques sociétales, en les considérant comme ces mouvements de très vaste amplitude dont Fernand Braudel pensait qu'ils constituaient le substrat des sociétés humaines (Braudel 1966). L'omniprésence du métal rouge et sa longévité depuis l'aube des sociétés humaines autorisent une telle approche.