A l'Ouest d'Eden. Rivalité fraternelle et mythe caïnique dans Pierre et Jean de Maupassant, in Adelphiques. Sœurs et frères dans la littérature française du XIXe siècle, textes réunis et présentés par Cl. Bernard, Ch. Massol et J.-M. Roulin, Kimé, 2010, p. 331-354. (original) (raw)
Pierre et Jean peut être lu comme la réécriture de l’un des premiers chapitres de la Genèse : celui qui raconte la lutte fratricide entre Caïn et Abel. Cette réécriture, parodique, ironique, du récit mythique, dans sa version romantique, altère le scénario d’emprunt et marque, à une époque que l’on peut considérer comme critique (la deuxième moitié des années 1880), la fin du « caïnisme » du dix-neuvième siècle. Elle témoigne, en même temps, d’une véritable crise de la fraternité, au sens littéral du terme comme en son sens politique : on constate que la transposition du mythe de Caïn permet l’écriture, à rebours, du « roman familial de la Révolution française » (L.Hunt). La fraternité, dans le roman, est soumise à une déconstruction implicite, mais radicale, à travers le personnage de la mère – une déconstruction qui affecte le modèle, à la fois masculin et naturel, qui est au soubassement de cette notion. Sur un arrière-plan de républicanisme en crise, le récit biblique fondateur devient ainsi un récit de dé-fondation démocratique.