Rhétorique, images médiatiques et construction du monde commun (original) (raw)
Rhétorique, images médiatiques et construction du monde commun Cristina Peñamarín Quelle que soit la position que l'on adopte par rapport à la question de savoir si c'est l'homme ou le monde qui est en jeu dans la crise actuelle, une chose est sûre : la réponse qui place l'homme au centre du souci et qui prétend devoir le changer et lui porter secours est profondément non politique. Car, au centre de la politique, on trouve toujours le souci pour le monde. (Arendt, H. 1995, Qu'est-ce que la politique. Paris, Seuil. Textes écrits entre 1955 y 1959) 1. Monde commun et sphère publique médiatisée 1 Nous habitons dans un « monde commun ». Cette expression récurrente a un double sens : le monde est notre chez nous, il appartient à l'individu et à la communauté, à la fois pour dire qu'il nous héberge tous et que nous devons en prendre soin comme de notre propre chez nous. Or ce qui intéresse Arendt, c'est le chez nous que nous construisons avec nos paroles et nos actions, de façon volontaire et involontaire. Cette idée dépasse largement celle de la planète-monde qui, grâce à la diffusion des discours écologistes, est conçue dans la nécessité d'en prendre soin et de la préserver. Toutefois, je crains que notre perception du monde comme construction collective soit bien pauvre, que cette dimension collective du monde soit quasiment absente de nos représentations, de nos discours, de nos images, de nos métaphores et récits quotidiens. C'est pourquoi je voudrais ici aborder notamment les (rares) images du monde qui nous permettent de comprendre le monde comme construction collective. En considérant le monde commun comme un concept essentiel en politique, Arendt fait référence au monde dans ses rapports aux « objets fabriqués par la main de l'homme, ainsi qu'aux questions de ceux qui habitent ensemble dans le monde fait par l'homme » (Arendt 1993: 61). La politique devient ainsi la composition progressive du monde commun, comme le signale Latour (2011). Dans cette perspective, si l'idée que la parole et l'action contribuent à la configuration du monde et de son sens commun surgit à partir des publics, la responsabilité de chacun par rapport à ses paroles, à ses images et à ses actions devient alors la dimension éthique de base. Notre environnement communicationnel est si dense, si mobile, si surabondant que nous avons tendance à croire que dans les images d'origine multiple, parues sur les innombrables écrans et les supports quotidiens, il y a « de tout ». Toutefois, force est de constater qu'il s'agit là d'un leurre, puisque certaines représentations ne figurent pas dans ces immenses archives d'inscriptions mobiles et enregistrables. Ainsi, bien que ces archives soient immenses, elles sont aussi limitées et non exhaustives. Cette question est fondamentale dans la vie publique et nous pouvons nous demander ce que contient et ce qui est exclu des encyclopédies courantes ; comment le « normal », le réel et le possible y sont définis. Et aussi comment comprendre leur dynamique de stabilisation et de changement. Pour Arendt, toutes les sociétés ont besoin de créer une sphère publique