Why my/your body is still a battleground Performance queer et néolibéralisme #1 : Zarra Bonheur vs Descartes (original) (raw)
Le 9 avril 1989, l'artiste états-unienne Barbara Kruger réalisait une affiche pour une marche à Washington en faveur du droit à l'avortement qui allait devenir célèbre. On y voit le visage résolu d'une femme de face que barre en plusieurs endroits le slogan « your body is a battleground ». Le visage en noir et blanc est scindé verticalement en deux. Les lettres blanches du slogan sur bandeau rouge se détachent à la manière des slogans d'Act-Up. Il est vrai que Kruger a dessiné pour Gran Fury 2 , le collectif de graphistes à l'origine de l'iden-tité visuelle du groupe fondé par Larry Kramer, participant ainsi à la « culture war » qui a marqué les années 1980-1990 aux États-Unis. Des années 1970 aux années 1990, du combat pour le droit à l'avortement à la lutte contre le VIH, la colère et les mobilisations contre les politiques de santé publiques mais aussi les médias, le nucléaire, la guerre au Vietnam passent par une occupation perfor-mative de l'espace public qui place le corps au centre. Qu'il s'agisse du corps des femmes occupé par les savoirs et le pouvoir médical, de leur exposition au crime et au viol que dénoncent en 1977 les 70 participantes de la fameuse performance de Suzanne Lacy et Leslie Labowitz In Mourning and in Rage 3 devant l'hôtel de ville de Los Angeles ou du corps des séropos, stigmatisés par Reagan, qui vont multiplier les die-in dans la rue. On sait ce qu'Act-Up New York et la santé communautaire ont emprunté aux groupes féministes de la seconde vague, à leur 1. Cet article est le premier volet d'une série consacrés à la critique du néo-libéralisme par la performance féministe queer, transféministe et le post-porn. Le second paraîtra dans la collection Théorème, Presses de la Sorbonne nouvelle et sera consacré au protest porn. Voir également Homo Inc.orporated, Le triangle et la licorne qui pète, Paris, Cambourakis, 2017. 2. « Ministère non officiel de la propagande d'Act-Up » selon Douglas Crimp, Gran Fury fait son apparition en 1988 dans le sillage d'Act-Up New York. Le collectif d'artistes se réclame « du pouvoir de l'art pour en finir avec la crise du Sida ». Il mènera de nombreuses actions dans l'espace urbain en s'appropriant les codes des médias de masse avec des affiches, des cartes postales, des détournements de journaux etc. On lui doit le célèbre logo d'Act-Up qui renverse le triangle rose des homosexuels dans les camps de concentration avec le slogan « Silence = Mort ». Gran Fury se dissout en 1995, estimant que le collectif ne peut plus adresser la complexité des messages sur le sida avec ses méthodes de guerilla design. 3. Sur les tenants et les aboutissants de cette performance, voir le texte de Lacy S., « In Mourning and in Rage (with analysis aforethought) »,