De l’ordre prodigieux au langage abrégé Pierre Lescot interprète des modèles italiens (original) (raw)

Le début de la carrière de Pierre Lescot autour de 1540 coïncide avec le commencement d'un classicisme qui conjugue, dans des synthèses inédites, modèles italiens et traits autoch-tones. Homme cultivé issu de la robe parisienne, le « seigneur de Clagny » dut participer aux débats qui s'intensifiaient alors autour du renouveau des langages architecturaux à la cour de François I er , en profitant autour des premiers projets du Louvre d'un dialogue avec un roi passionné par l'art de bâtir. S'il a contribué à ces importantes mutations typologiques et stylistiques, il en a également tiré des impulsions qui lui ont permis d'élaborer un langage personnel soumis à une constante évolution. Les contacts intenses et fertiles des deux côtés des Alpes, le va-et-vient d'artistes, de mécènes et d'idées se sont gravés dans ses oeuvres. Loin de se contenter de citations de motifs italiens, Lescot a assumé les méthodes et les principes du Rinascimento plus que tout autre architecte français de son temps. Les différentes étapes de son itinéraire reflètent l'influence de certaines tendances françaises et italiennes, mais aussi sa propre intuition qui le guide vers des partis différents de ceux des autres protagonistes du renouveau architectural. Les traditions locales lui offrent une énergie artis-tique qui dicte ses choix dans l'énorme répertoire transalpin et qui lui permet de concilier des prototypes importés, antiques ou du Cinquecento, avec le « génie du lieu ». Ce qui ne pouvait pas échapper à Lescot... Les bâtiments pionniers, le château-villa de Saint-Maur-des-Fossés, l'aile septentrionale de la grande basse-cour du château de Fontainebleau, le château d'Ancy-le-Franc et l'hôtel du Grand Ferrare révèlent la multiplicité des facettes qui marque ce mouvement dès le début 1. Comme points communs apparaissent cependant le souci d'une plus grande cohérence de l'ordre architectural et la mise au point de langages triomphaux, propres à rendre visibles de manière éloquente le rang et la culture des commanditaires. À Saint-Maur, Delorme combine astucieusement les traits du château français avec ceux d'une villa à l'antique, en s'inspirant du palais du Te de Giulio Romano 2 et l'on peut admirer l'intelligence avec laquelle il assimile les motifs transalpins, telles les colonnes adossées dans les angles qui s'inspirent peut-être de la chapelle de Baldassare Castiglione au sanctuaire delle Grazie près de Mantoue (1531) où Giulio Romano reprend les dispositions d'un mausolée près de Rome 3 (fig. 1a).Transposé de