D’une littérature de l’immigration vers une écriture migrante au Québec (original) (raw)
Velinova, Malinka; Laurent, Thierry (dir.), Normes et transgressions dans les littératures romanes, Sofia, CU Romanistika, 2017
La notion d’écritures migrante apparaît au Québec au milieu des années 1980 pour être définitivement adoptée par l’institution littéraire à partir du début des années 1990. Elle est vouée d’abord à remplacer la désignation de littérature de l’immigration ou littérature des communautés culturelles et de refléter ainsi, d’une part l’évolution du corpus visé, et d’autre part les changements qui affectent le paysage social, culturel et politique du Québec, et notamment la diversification des flux migratoires, l’avènement de l’interculturalisme québécois et de la société mondialisée. Le nouveau concept doit nommer non plus une écriture marquée par les appartenances ethnoculturelles mais par le dynamisme et le relativismeidentitaire du sujet postmoderne. Pourtant, les attitudes de l’institution littéraire se montrent lentes à évoluer et les écrivains « migrants » continuent d’être investis, de moins en moins explicitement, du rôle de porte-paroles communautaires et témoins d’une expérience « physique » concrète. Ce décalage entre les deux discours devient la source d’une tension idéologique qui sera reflétée tant par le discours social des écrivains que par leurs textes littéraires. L’écriture migrante se présente ainsi comme un genre subversif et transgressif, puisqu’il enfreint d’une part aux horizons d’attente formés par la littérature d’immigration et d’autre part à la doxa interculturaliste, laquelle a par ailleurs considérablement contribué à l’institutionnalisation du courant. Nous examinons en particulier la manière dont plusieurs romans effectuent cette double transgression à travers leurs œuvres. Il s’agit notamment de : La gare de Sergio Kokis, Chronique de la dérive douce de Dany Laferrière et Le sourire de la petite juive d’Abla Farhoud. Nous mettons en évidence le dépassement des stéréotypes au niveau esthétique d’un choix de textes représentatifs, ainsi que la manière dont s’effectue leur valorisation sociale au seindu contexte québécois qui leur est contemporain.