La variation « neutre » en créole louisianais au Texas (original) (raw)

La sociolinguistique moderne maintient que la variation est souvent significative pour les locuteurs d’une langue (Eckert 2012). Pourtant Nancy Dorian constate qu’aux communautés linguistiques minoritaires, la variation socialement neutre peut se produire s’il n’y a pas de stratification socioéconomique notable (2010). Cette possibilité est encore plus probable dans une situation d’étiolement linguistique où il n’y a ni de norme vers laquelle on peut s’orienter ni de prestige associé à la langue minoritaire. Au Texas du Sud-Est, une histoire de modernisation rapide au 20e siècle a entraîné une forte migration de la Louisiane du Sud-Ouest. Parmi ces émigrés louisianais se trouvaient des « Créoles ». Ces individus étaient souvent d’ascendance mixte et parlaient des variétés langagières apparentées au français (Steptoe 2016; Chambers 2014; Brasseaux 2005). Aujourd’hui ceux qui parlent toujours une de ces variétés non-anglaises ont tendance à la nommer « le créole ». En outre, si on se considère « Créole », il est probable qu’on va appeler sa langue de la même manière (Klingler 2003). Cependant, même s’il existe une certaine unité d’étiquetage linguistique, les variétés elles-mêmes sont loin d’être homogènes. Cette étude présente des exemples concrètes de la variation démontrée par un échantillon d’une dizaine de locuteurs créoles au Texas. J’examine quinze phrases de traduction pour des traits linguistiques que Valdman (1996) décrit comme typiques du créole louisianais. Mes résultats indiquent que la distribution des traits créoles s’explique par un continuum assez distinct. Malgré cela, il n’y a guère aucune indication jusqu'ici que les locuteurs remarquent la variation entre eux d'une façon significative. La seule exception que je note concerne quelques choix lexicaux stigmatisés par certains locuteurs (semblable à Dorian 1994: 679). Il est à noter qu’un grand nombre de Créoles louisianais sont des descendants des « gens de couleur libres », une classe socioéconomique qui existait entre les Blancs et les esclaves noirs avant la guerre de sécession. Après l’émancipation des esclaves, les différences entre les gens non-blancs étaient juridiquement effacées. Néanmoins, une stratification sociale marquée perdurait en Louisiane (Domínguez 1986; Spitzer 1986). Steptoe (2016) suggère que l’expérience des Créoles à Texas, ainsi que le mouvement des droits civiques, a eu un effet transformatif et égalisateur. Mon hypothèse est que le nivellement des différences sociales, dû au contact avec le système socioracial anglo-américain, a limité la valeur sociale de la variation linguistique parmi les Créoles au Texas. Mots clés : créole louisianais, variation linguistique, étiolement linguistique, translocalité Références Brasseaux, Carl A. French, Cajun, Creole, Houma: A Primer on Francophone Louisiana. Baton Rouge: Louisiana State University Press, 2005. Chambers, Glenn. “‘Goodbye God, I’m Going to Texas’: The Migration of Louisiana Creoles of Colour and the Preservation of Black Catholic and Creole Traditions in Southeast Texas.” Journal of Religion and Popular Culture 26, no. 1 (January 1, 2014): 124–43. Domínguez, Virginia R. “Social Classification in Creole Louisiana.” American Ethnologist 4, no. 4 (1977): 589–602. Dorian, Nancy C. Investigating Variation: The Effects of Social Organization and Social Setting. Oxford Studies in Sociolinguistics. Oxford ; New York: Oxford University Press, 2010.