Feinte, intentionnalité et subjectivité selon Bachelard (original) (raw)

Gaston Bachelard, Science et poétique, une nouvelle éthique, J.-J. Wunenburger (éd.), Paris, Hermann, 2013

Dès lors que la pensée scientifique a affaire à une objectivité qui n'a rien d'immédiat, une objectivité dont la constitution prend l'allure « d'approximations de plus en plus fines 1 », il lui faut sans cesse intensifier sa visée intentionnelle, ce qui n'est possible qu'en la rectifiant sans cesse. L'objet étant le fruit de l'objectivation toujours plus profonde et plus précise de la pensée, la réalisation de la pensée, et non une réalité qu'elle aurait à accueillir, la pensée doit donc toujours se déprendre d'ellemême si elle veut se recommencer et viser plus loin, atteindre des niveaux d'objectivité toujours plus profonds. Cette visée qui s'intensifie en se rectifiant, qui n'est pas « l'intentionnalité empirique de la conscience première… de la conscience en son éveil 2 », mais une intentionnalité dynamisée par d'incessants réveils, est donc bien différente de la visée de l'objet transcendant chez Husserl. Alors que celle-ci tend au remplissement, celle-là ne cesse, en quelque sorte, de le différer. Certes, dans la mesure où la donnée adéquate de la chose a pour Husserl le caractère d'une téléologie sans fin, l'évidence aura le caractère 1. Gaston Bachelard, L'Activité rationaliste de la physique contemporaine, Paris, PUF, 1951, p. 13. 2. Gaston Bachelard, Le Matérialisme rationnel, Paris, PUF, 1953, p. 105.